A quelques jours de l'inauguration de l'Exposition universelle de Shanghai, le 1er mai, la nervosité des autorités est palpable alors que de l'aveu même des organisateurs entre 10 et 20% de la centaine de pavillons ne seront pas prêts à temps. Une journée de «pré-ouverture», mardi dernier, réservée à 200?000 Shanghaïens s'est par ailleurs soldée par un flot de critiques, en partie relayées dans la presse officielle: queues interminables pour l'accès au site, puis aux quelques pavillons nationaux ouverts ce jours-là dont certains n'étaient pas achevés, contrôles de sécurité défaillants.
Les organisateurs attendent jusqu'à 600?000 visiteurs pour les jours de pointes, et 70 à 100 millions de personnes durant six mois. Les responsables de la communication, ces derniers jours, préfèrent se murer dans le silence avec pour conséquence la difficulté pour les journalistes d'obtenir un visa. Les diplomates répondent que tout sera prêt à temps en rappelant que la Chine est le premier pays en voie de développement à organiser un tel événement.
Ce retard n'a rien d'exceptionnel pour une exposition universelle. Les deux dernières éditions, à Hanovre et Aichi (Japon), ont connu les mêmes mésaventures. Ce qui paraît naturel ailleurs a pourtant le don de crisper un pouvoir chinois qui déteste les imprévus. Ce contretemps passe d'autant moins bien que Shanghai a claironné ses ambitions en organisant la plus grande exposition universelle de tous les temps, avec un nombre record de pavillons et de chefs d'Etat qui ont annoncé leur venue.
Le poids symbolique et politique particulier de cet événement - qui s'inscrit dans une stratégie diplomatique de soft power - multiplie d'autant les occasions de perdre la face pour le Parti communiste chinois. Le contraste est de ce point de vue frappant avec les Jeux olympiques de Pékin, en 2008, pour lesquels toutes les installations étaient réalisées au moins six mois à l'avance.
L'effort de Shanghai pour réaliser cette exposition n'en est pas moins extraordinaire et se chiffre en dizaines de milliards de francs. La transformation de la ville s'est accélérée avec le développement des transports publics. Les retards de construction du site de l'exposition concerne surtout les pavillons nationaux dont l'exécution n'est pas du ressort du comité d'organisation. La crise économique n'a pas facilité la tâche. A cet égard le cas du pavillon américain est exemplaire. Mort-né il y a un peu plus d'un an, il a été sauvé par l'activisme d'Hillary Clinton qui a compris l'importance pour la Chine d'une forte présence américaine à Shanghai. Washington interdisant l'apport de fonds publics pour ces manifestations, ce sont finalement, pour l'essentiel, des Chinois installés aux Etats-Unis qui ont réuni l'argent nécessaire à sa réalisation.
Certains observateurs s'interrogent toutefois sur les conséquences du limogeage pour corruption du «boss» de Shanghai, Chen Liangyu, l'ancien chef du Parti de la ville, fin 2006. Cette affaire aux relents de règlements de compte politique a temporairement paralysé la ville et pourrait aussi expliquer un certain retard de l'organisation de l'exposition.
Aujourd'hui, Shanghai fait tout pour sauver les apparences: des fleurs poussent dans toute la ville, et des milliers de maisons bénéficient d'un ravalement de façade. Parfois de façon absurde. Ainsi, aux abords du pavillon chinois, dans un ancien quartier industriel, des maisons vidées de leurs locataires pour les besoins de l'exposition mais qui n'ont pu être détruites à temps sont repeintes. Les Shanghaïens sont invités à sourire, à être polis et «civilisés» avec les étrangers et à faire la queue pour prendre le métro.
La sécurité est stricte. Dans les rues, on croise des patrouilles de policiers, de militaires, de policiers militaires, et plus d'un million de «bénévoles» quadrillent les quartiers pour dénoncer toute activité suspecte. Si la bonne exécution des travaux de l'exposition a échappé à la vigilance des planificateurs, le bureau de la météorologie de Shanghai promet pour sa part peu de pluie durant les six prochains mois. La métropole compte bien contrôler le ciel.
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