Lors de l'assemblée d'octobre 2009 à Istanbul (Turquie), M. Zoellick avait demandé cette augmentation de capital car, disait-il, la multiplication des prêts et des dons aux pays émergents et pauvres en raison de la crise avait fait passer les engagements de la Banque mondiale de 38,2 milliards de dollars en 2008 à 58,8 milliards en 2009. Ce bond de 54 % menaçait de tarir les finances de l'institution à l'été 2010.
Les pays développés lui avaient répondu que l'argent se faisait rare chez eux aussi, qu'ils attendaient de lui un plan stratégique pour comprendre l'usage qu'il voulait en faire. La tâche fut laborieuse, car M. Zoellick voyait dans cette exigence un contrôle déguisé de sa politique.
Le redéploiement des droits de vote à la Banque qu'avait demandé le G20 n'a pas été plus aisé à réaliser, car il a fallu prendre des voix aux pays développés - un exercice douloureux - selon un savant calcul mêlant le produit intérieur brut (PIB) et le montant des dons aux pays pauvres. Le " paquet " recapitalisation-redistribution-stratégie a donc été discuté avec acharnement jusqu'au samedi 24 avril.
Il prévoit d'abord une recapitalisation d'une des composantes de l'institution, la Banque internationale pour la reconstruction et le développement (BIRD), en deux tranches : une, générale, de 58 milliards de dollars et une autre, sélective, de 27,8 milliards. Ces 85,8 milliards de dollars représentent la première augmentation depuis 1987 du capital aujourd'hui fixé à 189,9 milliards de dollars (+ 45 %). A titre d'exemple, elle nécessitera de la France le versement de 25 millions d'euros par an pendant cinq ans.
Le glissement de 3,13 % des droits de vote profite aux pays émergents et d'abord à Pékin - les siens passent de 2,77 % à 4,42 %. La Chine devient ainsi le troisième actionnaire de la Banque mondiale derrière les Etats-Unis et le Japon et devant l'Allemagne, puis la France ex aequo avec le Royaume-Uni. L'Inde passe de 2,78 % à 2,91 %. Les perdants sont le Japon qui revient de 7,62 % à 6,84 %, la France et le Royaume-Uni - qui passent de 4,17 % à 3,75 %.
Cinq priorités
M. Zoellick s'est félicité de cette consécration de l'importance des pays en développement. Il a souligné que leur part dans la Banque allait passer de 44,06 % à 47,2 %, pas très loin de la parité réclamée par les organisations non gouvernementales. Cette affirmation est contestée par l'une d'entre elles, Oxfam International. " C'est une illusion ! M. Zoellick parvient à ce résultat flatteur, parce qu'il compte indûment parmi ceux-ci des pays comme Israël ou Singapour ", critique Elizabeth Stuart, porte-parole d'Oxfam.
Le plan stratégique a retenu cinq priorités : la lutte contre la pauvreté notamment en Afrique subsaharienne, l'investissement dans les infrastructures du développement (routes, agriculture, capital humain), la défense des biens communs (climat, commerce, sécurité alimentaire, énergie, eau, santé), la lutte contre la corruption et les pratiques illégales, la prévention des crises économiques et financières.
" Manque plus que la défense du tigre en Asie chère à M. Zoellick ! ", persifle un cadre qui se fait l'écho du malaise d'une partie du personnel perturbé par le refus de son président de faire des choix précis, par son mode de gestion solitaire et par sa volonté de dégonfler les effectifs à Washington au profit des bureaux régionaux.
Les réformes ne sont pas achevées avec ce " paquet ". Les Européens ont l'intention de poser dans les prochaines semaines la question du choix de son président.
Après le départ de Dominique Strauss-Kahn de la direction générale du Fonds monétaire international (FMI), ils savent que le fonds cessera d'être dirigé par l'un des leurs, pour en finir avec un usage remontant à 1944. Ils ne voient donc pas pourquoi les Etats-Unis continueraient à imposer un Américain à la tête de la Banque mondiale comme successeur de M. Zoellick. L'aggiornamento continue.
Alain Faujas
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