Julie Desné
Une petite dizaine d'ouvriers en casque orange dépiaute des plantes vertes. Dans le patio du Pavillon France, les jardins à la française verticaux imaginés par les paysagistes de l'agence Ter attendent les dernières finitions. Une petite centaine d'hôtes et d'hôtesses suivent religieusement la visite d'une instructrice qui leur explique le fonctionnement du bâtiment.
Comme d'autres pays, la France participe à certaines des journées tests de l'Expo et ouvre les portes aujourd'hui sur sa « ville sensuelle » avec un pavillon placé sous le signe des cinq sens. Paris a cassé la tirelire pour offrir un parcours d'une dizaine de minutes aux 10 millions de Chinois attendus pendant les six mois de l'Expo autour d'une rampe descendante imaginée par l'architecte français Jacques Ferrier.
Ambiances audiovisuelles et olfactives accueilleront les visiteurs pour une opération séduction minutée du public chinois. « Il est important que l'on soit là. Ce n'est pas une opportunité qui va se représenter dans les dix ans à venir », souligne Franck Serrano, représentant de la Compagnie française pour l'Exposition de Shanghaï 2010 (Cofres) en Chine.
Alain Delon en parrain
Aucun risque n'a été pris pour ce qui va être la vitrine de la France sur un marché toujours prometteur. La Cofres a misé sur les classiques. Le parrain du pavillon n'est autre qu'Alain Delon. Les organisateurs ont ensuite profité de la réputation française en la matière pour proposer des « mariages romantiques ».
Tous les couples vêtus d'habits de noces pourront prononcer leurs voeux d'union au pavillon. L'opération n'est pas passée inaperçue sur le Web chinois, où nombre de forums se sont emparés du sujet. Ce qui vaut sans doute au pavillon français d'être, après celui des États-Unis, le pavillon étranger que les Chinois ont l'intention de visiter, selon un classement établi par l'agence de relations publiques Ogilvy PR.
La scénographie a taillé la part belle à Paris. De nombreuses vidéos mettent la Ville Lumière en scène, des toiles impressionnistes ont été prêtées par le Musée d'Orsay, dont un Gauguin, et Louis Vuitton - sponsor du pavillon - a aménagé un coin inspiré par l'esthétique des stations de métro dessinées par Guimard. Étendard de la culture française, la gastronomie sera représentée par les frères Pourcel, chefs étoilés de Montpellier, au restaurant 6e Sens sur le toit du bâtiment.
Un outil diplomatique
Ce cadre glamour sert aussi à vendre un peu du savoir-faire industriel français, avec la présentation d'une voiture du futur imaginée par Citroën, un espace dédié à Michelin ou encore à Lafarge - tous sponsors du pavillon.
Fière d'avoir été le premier pays étranger à confirmer sa participation, la France espère faire de sa présence à l'Expo un outil diplomatique. « Nous avons une coopération dense, diversifiée, mais parfois éparpillée. L'Expo a été pour nous un fil d'Ariane, l'occasion de créer des synergies », souligne Thierry Mathou, consul général de France à Shanghaï.
La venue de Nicolas Sarkozy à la cérémonie d'ouverture de l'Exposition universelle de Shanghaï la semaine prochaine coïncide avec une visite d'État à Pékin le jour précédent au cours de laquelle il rencontrera son homologue chinois Hu Jintao. De nombreuses personnalités politiques, dont les présidents du Sénat et de l'Assemblée nationale, sont attendues d'ici à la fin octobre.
Les régions ont également sorti le grand jeu. L'Alsace, l'Ile-de-France et Rhône-Alpes feront la promotion de leur expérience en matière de développement urbain dans leur propre pavillon sur le site de l'Expo - du côté de la zone dédiée aux meilleures pratiques urbaines. Quant à Lille, la ville installera une ambassade hors les murs, pendant quatre mois, dans un petit temple de la rue de Nankin en centre-ville.
Après des années de relations tendues entre Paris et Pékin, la France n'est pas mécontente de profiter de l'accalmie pour rappeler que ses ressortissants représentent la première communauté européenne de Shanghaï.
Shanghaï teste son Exposition universelleDix jours avant le coup d'envoi de ce qui promet déjà d'être la plus grande Exposition universelle de l'histoire, Shanghaï teste son site grandeur nature. Des dizaines de milliers d'employés, de retraités ont eu des tickets d'avant-première pour découvrir le site de l'« Expo » entre le 20 et le 26 avril. Et, mercredi matin, 50 000 personnes étaient attendues sur le site. Une petite journée, quand on sait que les pics d'affluence attendus devraient atteindre près d'un million de personnes par jour.
Les Chinois veulent surtout tester leur capacité à gérer cette foule quotidienne sans heurts. Aux portes d'entrée, chacun se prête aux contrôles de sécurité. Les fanions des guides s'agitent déjà au-dessus des têtes et certains groupes sont identifiables à leur casquette monochrome. Pour M. Wang c'est le rouge. « Nous sommes tous retraités et nous avons eu des tickets par notre comité de quartier », explique le septuagénaire, avant de se glisser docilement dans la file.
Depuis plusieurs mois, le bureau d'organisation de l'exposition de Shanghaï annonçait ces tests. À l'intérieur, les pays n'ont pas tous suivi le même calendrier et les casques jaune et orange des ouvriers croisent les casquettes rouges ou bleues de M. Wang et de milliers de ses comparses.
Si l'allée principale, baptisée « boulevard de l'Expo », et les principaux bâtiments chinois comme le centre de conférence, le pavillon thématique consacré au slogan de l'exposition « Meilleure ville, meilleure vie » ou encore le pavillon chinois affichent des façades rutilantes, d'autres participants courent après les pinceaux de peinture et les escabeaux. À la porte du pavillon thaïlandais, des ouvriers s'appliquent sur le ciment du parvis. Entrée dans la course il y a un mois et demi, la Lettonie n'a posé qu'un quart de sa façade de mosaïque argentée. En face, la Petite Sirène du pavillon danois - qui a quitté Copenhague pour la première fois - attend sagement sous un drap de velours rouge pendant que des peintres terminent la façade.
Au détour de certains pavillons s'entassent des planches de bois et des pots de peinture vides en attente d'être débarrassés, tandis qu'à quelques mètres, des files d'attente se forment devant des bornes de réservation disséminées partout sur le site de 5,3 kilomètres carrés. Elles servent à réserver un ticket supplémentaire - et gratuit - pour le pavillon chinois, clou national de l'Expo dont le trafic est savamment régulé.
Des visiteurs s'alignent progressivement dans un ruban de béton qui fait office d'entrée pour le pavillon tchèque. « Nous pensons qu'il est très important de tester le pavillon et la façon dont l'exposition fonctionne avec le public », explique Martina Honcikova, responsable des événements du pavillon de la République tchèque, le seul à participer à toutes les journées d'essai. Un test grandeur nature dès le premier jour, puisque le bâtiment a accueilli 30 000 personnes mardi, soit sa capacité maximale.
Éviter les émeutes
Dans la zone européenne, tout le monde n'a pas la sérénité des Slaves. Certains pavillons attendaient en milieu de semaine une partie de leurs équipes, encore bloquées par le nuage islandais. « L'exposition multimédia ne fonctionne pas encore, nos techniciens ne sont pas arrivés, à cause du nuage », explique une responsable du pavillon autrichien, qui n'a pu ouvrir.
La première journée d'essai avec 200 000 visiteurs invités mardi a mis plus d'un exposant sur les rotules. Les machines de réservation pour le pavillon chinois ont rendu l'âme au bout d'une demi-heure et le bâtiment est resté fermé jusque dans l'après-midi. Résultats : des dizaines de milliers de badauds se sont rabattus sur les quelques pavillons ouverts.
« C'était incroyable. La queue ne cessait de s'allonger. Au bout d'un moment les gens sont devenus fous », raconte un visiteur du pavillon du Luxembourg, qui a dû fermer ses portes à 15 heures pour éviter l'émeute, à l'instar des pavillons de Grande-Bretagne, d'Italie et d'Allemagne.
Le calme était revenu mercredi avec une affluence réduite. Mais, malgré les contrôles de bagages au rayon X dans les stations de métro, les portiques à l'entrée de l'Expo et des règles de sécurité aussi strictes que sur un aéroport, les organisateurs craignent les débordements face à une foule quotidienne, dans un pays qui a horreur des rassemblements de masse. En ville, aucun risque n'est pris. Début avril, la police de Shanghaï a mené une opération spéciale de douze jours, au cours de laquelle plus de 6 000 délinquants présumés ont été arrêtés.
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