mardi 13 avril 2010

Hu Jintao rejette les pressions de Washington sur la réévaluation du yuan

Les Echos, no. 20656 - International, mercredi, 14 avril 2010, p. 7

En marge du sommet sur la sécurité nucléaire, le président chinois, Hu Jintao, a affiché une grande fermeté sur sa politique de change - la Chine décidera seule -, tout en se déclarant prêt à rejoindre la table des négociations concernant de nouvelles sanctions contre l'Iran.

Pékin décidera seul de sa politique de change. C'est le message délivré par le président chinois Hu Jintao dans le cadre de son entretien bilatéral avec Barack Obama, en marge du sommet sur la sécurité nucléaire organisé depuis lundi à Washington. Quatrième du genre depuis l'entrée en fonction du président américain, la rencontre Hu Jintao-Barack Obama était très attendue, compte tenu de la récente montée des tensions entre Washington et Pékin sur les ventes d'armes à Taiwan, le retrait de Google et la visite du dalaï-lama à la Maison-Blanche. La question de la surévaluation du yuan continue de peser lourdement sur les relations entre les deux pays. Face au nouvel appel de Barack Obama en faveur d'une plus grande flexibilité de Pékin sur le taux de change du yuan, qui pénalise les exportations américaines, Hu Jintao a indiqué que Pékin n'entend se laisser dicter sa politique de change par personne. Mais il a aussi clairement indiqué sa volonté de réforme.

« La Chine s'en tiendra fermement à une voie de réforme du mécanisme de formation des taux de change. Ce faisant, nous tiendrons compte des développements économiques globaux et des changes globaux, ainsi que de la situation économique de la Chine », a lancé le président chinois, selon le compte rendu de l'agence officielle chinoise Xinhua. Ce message nuancé a été interprété par certains analystes comme l'indice d'une volonté de réévaluation très graduelle. Mais, pour Hu Jintao, « l'appréciation du yuan ne permettra jamais d'équilibrer le commerce sino-américain, ni de résoudre le problème du chômage aux Etats-Unis ». En clair, la réévaluation du yuan n'est pas la solution miracle pour les maux dont souffre l'économie américaine. Il a également indiqué que la Chine ne cherche pas à avoir un excédent commercial avec les Etats-Unis et aimerait même augmenter ses importations en provenance de ce pays. A cet égard, il a enjoint Washington à relâcher son contrôle sur ses exportations de produits de haute technologie.

En cherchant à relâcher la pression sur le yuan, Hu Jintao peut s'appuyer sur l'annonce, ce week-end, du premier déficit commercial chinois mensuel depuis 2004 en mars. D'une manière générale, le déclin de l'excédent extérieur compliquerait la tâche de Pékin pour expliquer aux Chinois qu'une réévaluation du yuan est dans l'intérêt national. De fait, un représentant du ministère du Commerce s'est empressé de souligner que ce déficit commercial montre bien que la valeur du yuan n'est pas un facteur clef dans la formation du surplus commercial.

Compensation

Nombre d'élus du Congrès américain continuent à penser que la monnaie chinoise est sous-évaluée de 30 % à 40 % et menacent d'adopter une nouvelle loi imposant des droits de douane sur les importations chinoises en mai, au cas où Pékin n'opterait pas pour une réévaluation rapide du yuan à travers sa désindexation vis-à-vis du dollar. Mais, pour certains experts chinois, le meilleur moyen qu'aurait le Trésor américain de forcer la Chine à mettre fin à l'indexation du yuan sur le dollar serait d'arrêter de lui vendre ses bons du Trésor.

La fermeté du président chinois tranche avec les récentes tentatives d'ouverture de l'administration Obama. Celle-ci a plutôt, en effet, cherché à « adoucir le ton » avec la décision du secrétaire au Trésor, Timothy Geithner, de reporter la publication du rapport bi-annuel du Trésor sur les taux de change initialement prévu pour le 15 avril. L'administration Obama entend mettre à profit les rencontres multilatérales des trois prochains mois, y compris le G20 des ministres des Finances du 23 avril, à Washington, pour ramener Pékin « à la raison » sur les taux de change. En guise de compensation, le président chinois a accepté de rejoindre la table des négociations sur de nouvelles sanctions contre l'Iran, mais sans promettre encore de les soutenir.

PIERRE DE GASQUET

PHOTO - China's President Hu Jintao is pictured during the first plenary session of the Nuclear Security Summit in Washington April 13, 2010.

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