La Chine a intérêt à laisser le yuan s'apprécier. Cela permettrait à ses entreprises d'atténuer les effets de la forte hausse mondiale du cours des matières premières. Mais cela ne changerait guère le déséquilibre avec Washington.
Pour la grande majorité des économistes, la cause est désormais entendue : les autorités chinoises vont très probablement laisser leur devise s'apprécier de nouveau, renouant avec une tendance à l'oeuvre entre juillet 2005 et juillet 2008. D'après l'agence Bloomberg, qui a sondé 19 économistes spécialistes de l'Empire du Milieu, la majorité des analystes anticipent désormais une reprise de la hausse du yuan autour de la mi-2010. Le scénario le plus crédible étant une répétition de la hausse précédente, c'est-à-dire un mouvement très progressif.
Washington aurait pourtant tort de trop se réjouir de cette perspective. Car ce n'est pas pour « rééquilibrer les déséquilibres mondiaux » que Pékin agirait de la sorte, mais bien dans son propre intérêt. Et l'impact sur le déficit commercial américain reste à démontrer.
Lutte contre la spéculation
Un des arguments concerne la lutte contre l'afflux de capitaux spéculatifs, même si Pékin semble parvenir à les « stériliser » en grande partie. Anticipant une hausse du yuan, les investisseurs placent des fonds en Chine, ce qui alimente une création monétaire qui devient problématique dans un pays hanté par le spectre d'une bulle financière et immobilière. Une hausse du yuan permettrait de limiter ce phénomène. Mais à condition d'agir assez vite, car une hausse graduelle ne tarit pas l'afflux de capitaux et peut même l'alimenter. Sauf qu'une hausse trop brutale pourrait être fatale aux exportateurs ayant de très faibles marges.
Surtout, laisser le yuan s'apprécier permet, mécaniquement, de diminuer la valeur des importations libellées dans d'autres devises. Toutefois, contrairement à un argument souvent relayé, l'objectif ne serait pas forcément de dynamiser la consommation des ménages, via la hausse des importations de produits étrangers. Comme le note Hervé Liévore, stratégiste chez AXA IM, « la liste des produits de consommation courante que la Chine fabrique elle-même est très longue ». En revanche, les entreprises chinoises font face depuis un an à une situation épineuse : elles subissent conjointement une baisse du prix de leurs exportations (- 5,3 % sur un an en janvier dernier) et une forte hausse de leurs importations de matières premières (+ 17 % sur un an en mars). Au point que la Chine a présenté un déficit commercial au mois de mars. Au cours du premier trimestre 2010, l'excédent commercial a représenté 1,2 % du PIB, contre près de 10 % du PIB un an auparavant. Autrement dit, et paradoxalement, c'est bien au moment où l'argument principal des Américains devient caduc - on peut difficilement accuser Pékin de manipulation monétaire alors que son excédent commercial fond comme neige au soleil -que Pékin pourrait, enfin, lâcher du lest sur sa monnaie !
GABRIEL GRÉSILLON
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