La paralysie du trafic aérien a interrompu l'approvisionnement en produits frais.
La semaine passée n'a pas été facile pour Frédéric Chabbert, le chef du Petrus, un célèbre restaurant français de Hongkong : « Plus d'agneau d'Aveyron de chez Greffeuille », « plus de volaille de Bresse de Mieral »... Le plus dur a été pour les poissons et crustacés. Ce n'est pas en mer de Chine ni dans les eaux boueuses de la rivière des Perles que l'on trouve du caviar d'Aquitaine, du turbot des côtes normandes ou du homard bleu, le homard breton à nul autre pareil... Car même si le chef aveyronnais cuisine au 56e étage du Shangri-La, un cinq étoiles de la ville, il fait 90 % de ses courses « directement aux halles de Rungis » en y passant commande trois fois par semaine.
Mais les caprices d'un volcan islandais ont brutalement interrompu sa routine. Son dernier arrivage remonte à samedi 17 avril. Depuis, il a fermé une salle. Limité à 20 couverts le service du soir, contre 50 en temps normal. Et prévenu par téléphone les clients que la carte ne serait pas tout à fait complète... Il a géré ses stocks au mieux : « Les morilles entre deux torchons humides en chambre froide cela tient, mais les girolles ou les cèpes, pas la peine d'essayer. » Le prochain arrivage, attendu vendredi, devrait surtout comporter de la viande et de la volaille, « moins fragiles » selon l'importateur, Classic Fine Foods, qui importe entre 3 et 6 tonnes de « périssable » français chaque semaine à Hongkong et a fait le tri, à Paris, de ce qui pourrait encore voyager après les imprévus de ces derniers jours.
« Cela a été dramatique parce que soudain. Toutes les marchandises qui étaient prêtes à partir ont été perdues », indique Jacques Boissier, directeur général de Classic Fine Foods. « Plusieurs supermarchés sont déjà à court de camembert, de brie et de chèvre », ajoute Julien Aulong, directeur commercial.
Additionnés, les secteurs de la pêche, de l'agriculture et des forêts emploient 0,2 % de la population active de Hongkong. Autant dire que Hongkong importe toute son alimentation. Faute de produits européens, certains importateurs se sont tournés vers les Etats-Unis, l'Alaska, l'Australie et la Nouvelle-Zélande. Les crustacés sont déjà le premier poste d'exportations de l'Australie vers Hongkong à hauteur de 320 millions d'euros par an.
Nouveaux fournisseurs
« Cette situation a créé une niche d'opportunités pour nos produits », indique Sharon-May McCrostie, commissaire au commerce pour la Nouvelle-Zélande à Hongkong. Mais l'importateur Marc Mowday, de South Streams Ltd, tempère l'effet volcan : « J'ai eu des demandes, c'est vrai. Mais on ne peut pas du jour au lendemain trouver une ou deux tonnes de saumon de Tasmanie pour un nouveau client. » En théorie, le trafic vers et à partir de Hongkong devait redevenir normal vendredi 23 avril. Mais la priorité est donnée aux vols passagers. En outre, tous les tonnages supplémentaires de fret aérien ont augmenté de 30 % à 40 %, selon un spécialiste du secteur, qui indique que « cela peut aller beaucoup plus loin pour avoir priorité ». César Maresville, jeune Français spécialisé dans « l'huître de Prat-Ar-Coum », a jugé trop risqué de tenter une livraison cette semaine. Cathay Pacific lui a indiqué que l'activité fret sera à peu près désengorgée à Roissy, mercredi prochain. Les huîtres sont attendues jeudi matin.
Florence de Changy
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