La société de cosmétiques s'introduira le 7 mai à la Bourse de Hong Kong. La vente des actions débute aujourd'hui. L'Occitane espère lever 700 millions de dollars pour financer l'ouverture de magasins et augmenter sa production en France. L'acquisition de deux, voire trois, marques, asiatiques notamment, est envisagée.
C'est une première pour une entreprise française. L'Occitane, connue pour ses crèmes à base de noix de karité ou son lait aux amandes, va faire son entrée le 7 mai à la Bourse de Hong Kong. Le lancement de la souscription, pour laquelle le fabricant de cosmétiques espère lever jusqu'à 707 millions de dollars américains, a débuté ce matin, pour un prix de l'action proposé entre 12,88 et 15,08 dollars de Hong Kong. Cette offre correspond à 25 % du capital de l'entreprise, ce qui la valorise 2,8 milliards de dollars (2,1 milliards d'euros).
Une véritable « success story » pour cette petite société provençale, maître savonnier à ses débuts en 1976, devenue un groupe international, avec 4.700 salariés et 1.500 boutiques dans 80 pays. Avec une croissance en moyenne de 30 % par an, son chiffre d'affaires a été multiplié par 10 depuis 2000. Il a atteint 537 millions d'euros en 2008-2009 (exercice clos fin mars), pour un résultat net de 59 millions d'euros, et devrait encore progresser de 14 % cette année. « L'Occitane doit continuer sur sa lancée. Nous avons donc des besoins de financements. La Bourse de Hong Kong nous offre une alternative intéressante aux banques en donnant en plus une valeur à la société », indique Reinold Geiger, un homme d'affaires autrichien qui a racheté l'entreprise en 1996 à son fondateur Olivier Baussan. Déjà endetté, L'Occitane aurait du patienter au moins deux ans pour obtenir de nouveaux emprunts. Le fabricant a en effet effectué un LBO en 2007 pour près de 300 millions d'euros, permettant à son partenaire Clarins de réduire sa participation à 10 % au profit du management.
Cette cotation à la Bourse de Hong Kong devrait aussi asseoir la notoriété de la marque en Asie, où la société réalise déjà 35 % de ses ventes et veut se développer. « La région Asie-Pacifique continuera d'être un moteur de notre croissance dans les prochaines années », a souligné hier André Hoffmann, directeur général du groupe.
Surtout ne pas délocaliser
Le Japon reste son premier marché dans le monde (24 % du chiffre d'affaires) - ses gammes de crèmes à base d'Immortelle y font un carton -suivi des Etats-Unis (17 %) et de la France (13 %). La Chine, où elle compte 40 points de vente, fait partie des cibles. « Nous avons un potentiel de 300 ouvertures dans le pays, note Reinold Geiger. La Chine ne pèse que 3 % de nos ventes ». Au total, la société a pour objectif d'ouvrir 650 magasins dans les cinq ans, en Inde, en Russie, ou encore aux Etats-Unis.
Les fonds levés à Hong Kong vont aussi aider L'Occitane à agrandir ses deux usines françaises, qui emploient 750 personnes : son site historique de Manosque et celui de Lagorce en Ardèche, où est fabriquée sa marque bio Melvita. Ce qui va permettre au groupe de doubler sa production, et d'étendre son laboratoire de R&D. Le fabricant de cosmétiques va aussi créer un nouveau centre de stockage, soit un investissement total de 50 millions d'euros, avec à la clef 139 emplois nouveaux. Pas question pour son dirigeant de délocaliser la fabrication hors de France. « Ce que nous vendons, c'est L'Occitane en Provence à partir d'ingrédients issus du terroir, si nous produisions ailleurs, nous n'aurions pas le même succès, assure-t-il. Un jour, nous aurons peut être une marque haut de gamme asiatique. »
C'est la nouvelle ambition du groupe : procéder à l'acquisition d'une ou deux marques de cosmétiques à base naturelle. La marque L'Occitane représente 95 % des ventes, et Melvita, spécialisée dans les soins bio rachetée en 2008, le reste. La société estime qu'elle dispose désormais des bases solides, avec 24 filiales, pour mener à bien ses futurs développements. « Nous avons construit une maison. Nous allons essayer de bâtir un petit hameau », précise l'homme d'affaires. Avec pour objectif d'atteindre le milliard d'euros de vente dans les années qui viennent.
DOMINIQUE CHAPUIS
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L'Occitane se lance à la Bourse de Hongkong
Le Figaro, no. 20445 - Le Figaro Économie, lundi, 26 avril 2010, p. 25
PROPOS RECUEILLIS PAR Florentin Collomp
ENTRETIEN Créée en 1976, L'Occitane va être la première entreprise française cotée à la Bourse de Hongkong. L'enseigne, qui vend des produits cosmétiques à base d'herbes provençales, lance aujourd'hui une offre, réservée au marché asiatique, portant sur 25 % de son capital, dont la moitié par augmentation de capital. Elle espère lever ainsi 530 millions d'euros. Le fonds souverain China Investment Corp. devrait y participer à hauteur de 50 millions de dollars. L'Occitane gère 1 517 magasins dans le monde et prévoit d'en ouvrir 650 nouveaux dans les cinq ans à venir. Reinold Geiger, discret homme d'affaires autrichien, a racheté la société en 1996. Il explique les objectifs de cette opération.
LE FIGARO. - Pourquoi avez-vous finalement décidé de vous introduire en Bourse?REINOLD GEIGER. - C'est le début d'une nouvelle étape. Nous avions fait un mini-LBO (leveraged buy out, rachat de l'entreprise par endettement) il y a trois ans en rachetant 13 % de nos actions à Clarins et 12 % à un investisseur privé. Depuis, il nous a semblé que la meilleure solution pour nous développer était une introduction en Bourse. C'est aussi un moyen de donner une valeur de marché à la société holding, dont de nombreux salariés sont actionnaires. Je conserverai la majorité du capital, soit environ 52 %.Pourquoi Hongkong?Nous vendons plus en Asie qu'en Europe et aux États-Unis réunis et c'est là que nous allons le plus nous développer. Être coté à Hongkong contribuera à accroître la notoriété de la société dans la région, facteur très important pour attirer les consommateurs. Quand nous sommes arrivés en 1997 à Hongkong et à Taïwan, cela n'a pas marché du tout, tandis qu'à New York où nous avons ouvert au même moment nous dépassions nos objectifs. Nos auditeurs nous ont conseillé au bout de trois ans de fermer nos activités en Asie! Mais nous avons persévéré, développé l'image de la marque et, au bout de trois à quatre ans, ça a explosé. Aujourd'hui, dans l'esprit des consommateurs asiatiques, nous sommes comparables à des marques de luxe dont je n'oserais citer les noms de peur de sembler prétentieux. Tous nos produits continueront à être fabriqués en France car nous vendons la Provence. Nous allons investir 50 millions d'euros dans nos sites de production.Quels sont vos plus importants marchés?Jusqu'à présent, c'est le Japon, avec 23 % du chiffre d'affaires et plus de 70 magasins. Malgré la crise économique, les jeunes continuent d'y consommer et nous sommes parmi les toutes premières marques importées du pays. À Hongkong, nous avons 16 magasins qui marchent très bien. En Chine, des copieurs s'étaient installés avant nous, avec des centaines de magasins à leurs enseignes « Occitown » et « Camenae ». Ça nous a beaucoup énervés au début mais les Chinois n'ont pas compris notre réaction : ils nous ont expliqué que c'était un honneur d'être copiés! Nous avons mis deux ans à monter une filiale à 100 %, qui gère aujourd'hui plus de 40 magasins. Nous allons accélérer. La Chine a un potentiel de 200 à 300 magasins à terme. Nous sommes aussi à Taïwan, en Corée, en Thaïlande et au Vietnam. Les États-Unis sont notre deuxième marché, avec 15 % du chiffre d'affaires et 170 magasins. En Europe, la France et le Royaume-Uni représentent 19 % de nos ventes mondiales.Quel est votre potentiel de croissance?Il y a dix ans, lors d'une interview, Le Figaro m'a demandé combien de magasins je pensais avoir dix ans plus tard. J'ai répondu 1 000 sur un coup de tête - j'en avais 50 à l'époque! Aujourd'hui, nous en avons 1 517 dans le monde. Nous en ouvrons environ 100 par an. Sur l'exercice achevé en mars 2009, nous avons atteint un chiffre d'affaires de 537 millions d'euros, en hausse de plus de 30 %. À fin décembre 2009, nous étions en croissance de 14 % malgré la crise. On peut certainement envisager de doubler le nombre de magasins dans le monde à moyen terme. Par ailleurs, nous pourrons acquérir de nouvelles marques pour en développer trois ou quatre dans les pays où nous sommes implantés. Nous avons acquis les cosmétiques bio Melvita il y a un an et demi et nous avons déjà ouvert en Croatie, à Hongkong et bientôt aux États-Unis.Avec cette introduction en Bourse, vous allez enfin lever le voile sur votre rentabilité.Nous dégageons un résultat net de plus de 10 % du chiffre d'affaires.
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