Qu'est-ce que le taoïsme ?
Le taoïsme, traduction de daojia (« l'enseignement de la Voie »), est un courant philosophique né en Chine vers le VIe siècle avant J.-C., qui est ensuite devenu une religion au début de notre ère. Le taoïsme se caractérise par une révélation ouverte (au contraire des monothéismes occidentaux) : au fil des siècles, il s'est enrichi de nombreuses révélations et de textes sacrés, d'influences venues du bouddhisme et du confucianisme, des apports de nombreux cultes locaux chinois imprégnés de religiosité populaire. Il se caractérise par la recherche du principe absolu, tao ou dao, qui signifie voie, chemin, ou encore méthode. Le dao désigne l'origine de toute chose, l'Un primordial riche de toutes les potentialités de vie, autant que le parcours spirituel pour y tendre. Indéfinissable, le dao ne peut être décrit que par ce qu'il n'est pas. Dans le Daode jing, texte le plus ancien du taoïsme attribué à Laozi (ou Lao-Tseu) (lire ci-contre), il est comparé au bloc de pierre dont on tire les objets, au vide de la vallée, à la cavité d'un vase, ou encore au moyeu autour duquel tournent les rayons de la roue.
Que vise le taoïsme ?
Le fidèle taoïste recherche le retour et l'union au dao, lent processus de fusion avec l'unité primordiale. Il cherche à s'adapter à son cycle spontané à travers le « non-agir ». Dans le Daode jing, celui qui accomplit le « non-agir » est présenté comme « celui qui donne la vie sans se l'approprier, agit sans se prévaloir de son action, accomplit son oeuvre sans s'y attacher ». Dans le taoïsme, cette recherche de plénitude spirituelle se conjugue avec la quête de l'immortalité et de « la longue vie ». « Conserver sa vie jusqu'à la limite naturelle et tâcher de ne pas mourir prématurément. Voilà la plénitude de la connaissance », déclare Zhuang Zi, deuxième grand maître du taoïsme (IVe siècle avant J.-C.). Il s'agit, par des techniques de respiration, de consommation de plantes médicinales, d'exercices physiques et thérapeutiques, d'éviter une mort prématurée et de conserver intactes ses facultés. Ces techniques corporelles sont aussi considérées comme une porte d'entrée sur la méditation.
Quels sont les principaux courants du taoïsme ?
L'histoire du taoïsme est faite d'une impressionnante succession et juxtaposition de courants et d'écoles. La principale est la « Voie de l'Un orthodoxe » ou « Voix des Maîtres célestes », née au IIe siècle et encore vivante aujourd'hui, qui a formalisé le taoïsme comme religion et y a intégré les cultes des immortels présents en Chine durant l'Antiquité. Le courant de « L'alchimie opératoire » (IIe av. J.-C.-XIVe siècle) a cultivé les techniques liées à la recherche de la longue vie, l'école de la « Suprême pureté » (IVe-XIVe siècle) fut la première à organiser un corpus textuel taoïste et l'école du « Joyau magique », (IVe-Xe siècle) codifia la liturgie en donnant un rôle central à la psalmodie. Depuis le XIIe siècle et jusqu'à nos jours, l'école de la « Perfection totale », première forme de taoïsme exclusivement monastique et l'école de la « Porte du Dragon » suivent la méthode dite de « l'alchimie spirituelle » caractérisée par l'usage des métaphores, de la numérologie et des symboles cosmologiques.
Quels sont les principaux textes taoïstes ?
Le premier inventaire officiel des écritures taoïstes fut dressé par Lu Xiujing (406-477). En 1406, le maître Zhang Yuchu fut chargé de réaliser un nouveau recueil officiel : c'est le Canon ming. Imprimé en 1447, il réunit 1 500 textes littéraires (notamment le Daode jing), commentaires, manuels liturgiques, textes médicaux et alchimiques, livres de divination et d'astrologie, hagiographies...
Quelles sont les divinités taoïstes ?
Le panthéon taoïste n'a cessé d'être restructuré et élargi au fil des siècles, tout en conservant un ordre hiérarchique rigoureux. À son sommet, on trouve le Suprême Seigneur Lao ou Laozi, souvent représenté assis sur un trône avec une longue barbe. Il figure parfois au sein d'une triade, le groupe des « Trois Vénérables célestes », qui représente les trois aspects du dao : au centre, le vénérable céleste de l'« Origine primordiale », qui constitue l'aspect le plus élevé de l'absolu ; à sa gauche, le vénérable céleste du « Joyau magique », principal révélateur des écritures sacrées ; à sa droite le vénérable céleste de la « Voie et de la Vertu », Laozi divinisé. Puis viennent les « Quatre Ministres célestes », chargés de diriger le ciel et la terre et les « Trois Fonctionnaires » qui jouent un rôle d'intermédiaire avec l'au-delà. Au fil des siècles, des divinités populaires furent inscrites au niveau inférieur de ce panthéon. L'empereur de Jade, nommé divinité suprême par décret impérial au XIe siècle, en est le souverain :
il joue ainsi un rôle de médiateur entre le taoïsme et la religion populaire. Les « immortels », vaste groupe constitué de personnages semi-légendaires ayant accédé à la plénitude spirituelle grâce aux techniques de purification intérieure, se situent entre les « divinités pures » et les dieux populaires « impurs ».
« Laozi à la passe de Hangu » de Jiang Xun (1764-1821)
Figure centrale du taoïsme, Laozi (ou Lao-Tseu, nom qui signifie « vieux maître ») est un personnage dont l'existence historique est plus qu'incertaine. Selon la légende, il aurait vécu à la cour impériale des Zhou au VIe siècle av. J. C. Présenté comme historien, archiviste et devin, il se serait consacré à cultiver le « Dao » et la vertu sans chercher la notoriété, mais l'instabilité sociale et la décadence entourant les cercles du pouvoir l'auraient décidé à une vie d'ermite et à l'exil vers l'ouest. Juché sur un char ou un boeuf selon les représentations, il aurait rencontré à la frontière occidentale de la Chine le gardien de la passe de Hangu, Yin Xi, qui l'aurait convaincu de livrer son enseignement. Celui-ci constituera le Daode jing, Le Livre de la Voie et de la vertu, texte fondateur du taoïsme. Laozi aurait ensuite disparu sans laisser de trace. Quand le taoïsme se cristallisera en religion aux premiers siècles de notre ère, Laozi sera divinisé (166 apr. J. C.) et considéré comme une des manifestations du Dao. Au Ve siècle, l'empereur commandera le développement de toute une iconographie cultuelle, dont il sera une figure centrale.
Encadré : L'art tao s'expose pour la première fois à Paris
Dans l'iconographie taoïste, la grotte est le lieu de la retraite spirituelle : là, dans les entrailles de la terre, l'homme peut se confronter à l'inconnu de la quête du dao. C'est un peu comme dans une grotte qu'il faudrait pénétrer dans l'exposition parisienne « La voie du tao » (1) tant le voyage qu'elle propose paraîtra énigmatique et déroutant au visiteur. Autant le dire d'emblée, suivre cette exposition dans le bruit et l'affluence n'apportera sans doute pas grand-chose car le sujet est complexe, et la quasi-absence d'accompagnement pédagogique la rend encore plus difficile d'accès.Côté artistique, on ne sera pourtant pas déçu. De très belles pièces permettent d'approcher l'iconographie taoïste. On remarquera notamment le Rassemblement des immortels à la fête des pêches (Dynastie Ming, XIVe-XVIIe siècle), qui représente de minuscules figurines cueillant des pêches, fruits de l'immortalité. Avec la même esthétique dépouillée, la très tourmentée Visite à la grotte de Zhang Gong (XVIIe siècle), présente non la fin mais le début de l'itinéraire spirituel, en montrant un tout petit personnage se présentant à l'entrée d'une immense grotte, inquiétante et fascinante.Si certaines représentations sont ainsi tout à fait accessibles à l'oeil occidental, d'autres lui resteront très étrangères, comme ces céramiques de champignons tortueux (plantes entrant dans la préparation des élixirs de longue vie) ou ces grandes représentations multicolores et foisonnantes des divinités taoïstes et des rois des enfers. Le visiteur se trouvera là en terre inconnue, tout comme dans la dernière salle consacrée aux objets et aux pratiques rituelles du taoïsme.
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