À quatre jours de l'ouverture du « dialogue économique et stratégique » sino-américain, lundi 24 mai à Pékin, les Chinois ont trouvé dans la chute de l'euro une nouvelle bonne raison de ne pas réévaluer le yuan.
L'Europe est désormais le premier marché étranger de la Chine et le porte-parole du ministère du Commerce, Yao Jian, ne cache pas que la soudaine faiblesse de la monnaie européenne va renchérir les coûts de production des entreprises chinoises et pénaliser celles qui exportent le plus. Il ne parle pas du dollar, auquel le yuan est accroché depuis le milieu de l'année 2008, officiellement pour amortir l'impact de la crise financière mondiale, mais il rappelle que sur les quatre premiers mois de 2010 le renminbi (appellation officielle du yuan) s'est apprécié de 14,5 % par rapport à l'euro.
L'avertissement est à peine voilé. Au moment où l'Europe et les États-Unis pensaient que le sommet de Pékin, la semaine prochaine, qui réunira notamment Timothy Geithner, secrétaire américain au Trésor, Hillary Clinton, secrétaire d'État, et Wang Qishan, vice-premier ministre chinois chargé des questions économiques, pouvait conduire à une réévaluation du yuan, Pékin montre que la partie ne sera pas aussi facile.
Avant hier encore, un groupe d'une dizaine de sénateurs américains a officiellement demandé que l'on rende public un rapport du FMI (Fonds monétaire international) prouvant, selon eux, que les Chinois manipulent leur monnaie. Un document de Washington qui allait dans le même sens avait déjà été étouffé l'an dernier pour ne pas créer de vagues avec Pékin.
Ne pas « politiser »
En réalité, les Occidentaux pensaient que la Chine allait être naturellement conduite à remettre le yuan à niveau pour relancer sa consommation et pour se faire bien voir dans le reste du monde. Mais aujourd'hui, et le premier ministre Wen Jiabao ne le cache pas, Pékin met en avant la crise de l'euro et les « bases encore faibles de la reprise mondiale », pour faire machine arrière.
Le premier déficit de la balance commerciale chinoise depuis six ans, enregistré en mars, de même que le très modeste excédent dégagé en avril, inférieur de 87 % à ce qu'il était il y a un an, aident le gouvernement à démontrer que l'empire du Milieu reste fragile et qu'il est trop tôt pour toucher au yuan.
Pékin, rompu au non-dit de la diplomatie, en profite pour faire durer le suspense. Ainsi, en même temps que le ministre du Commerce plaide pour un statu quo monétaire, la banque centrale, dans son dernier rapport, laissait clairement entendre qu'elle était prête à abandonner l'arrimage du yuan au dollar. Un double langage derrière lequel s'abrite la Chine pour dire qu'il ne faut pas « politiser » sa monnaie.
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