Cannes 2010
Jia Zhang-ke, Shanghaï et sa mémoire L'auteur de « Still Life » revient sur l'histoire de la ville à travers le portrait de dix-huit de ses contemporains
I WISH I KNEW de Jia Zhang-ke. Film chinois, 2 h 18
Réalisateur de grand talent, fer de lance du nouveau cinéma chinois, Jia Zhang-ke use du 7e art comme d'une chambre d'enregistrement des mutations rapides de son pays. Mais avec cette continuelle obsession : garder la mémoire de ce qui fut, à l'heure où le plus grand pays du monde galope vers son destin de première puissance mondiale. Ses précédentes oeuvres (Still Life, Dong, Useless pour ne retenir que les plus récentes) portaient déjà cette ambition. « Les problèmes d'aujourd'hui sont liés au passé et j'éprouve le besoin d'explorer ce passé », a-t-il confié dimanche, avant la projection de son nouveau film, I Wish I Knew (« Si seulement j'avais su »), sélectionné dans la catégorie Un certain regard. « Le cinéma est le meilleur média pour aborder la complexité des sentiments humains et celle du monde », a-t-il affirmé.
Construit autour de dix-huit témoignages, I Wish I Knew retrace l'histoire contemporaine de Shanghaï, des années 1930 à aujourd'hui, livrant quelques images des préparatifs de l'exposition universelle qui s'est ouverte il y a quelques semaines. Pas d'historiens, de sociologues ou de chiffres dans ces longs entretiens, mais des récits de vie, souvent très forts, qui transmettent une mémoire à hauteur d'homme et de femme, comme autant de traces laissées par la grande histoire sur les destins individuels.
Ponctué d'images qui dessinent un portrait pointilliste de la mégalopole, le film parcourt l'histoire de la ville qui se confond avec celle de la Chine, donnant notamment la parole aux enfants de ceux qui choisirent de se replier à Hong Kong ou Taïwan. Surtout, il nourrit sa réflexion d'extraits de films, anciens ou plus récents, interroge réalisateurs et comédiens. Oui, décidément, la salle obscure est un lieu de victoire sur l'oubli. La Chine rase ses quartiers traditionnels pour édifier son futur. Jia Zhang-ke rappelle, à sa manière, qu'on ne construit rien à partir du néant.
Arnaud SCHWARTZ
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