Après une vague de suicides, Foxconn relève les salaires de 20 %. Les usines Honda sont toujours en grève.
De façon dramatique ou presque cocasse, la question des salaires dans l'« atelier du monde » a occupé le devant de la scène chinoise ces jours derniers. Le versant tragique, ce sont les suicides à la chaîne - au moins 10 morts en peu de temps - dans la gigantesque usine aux 400 000 ouvriers de Foxconn à Shenzhen. Les causes de ces tragédies sont complexes, mais les rythmes de travail intensifs et les maigres salaires ont été mis en cause. Paniquée pour son image, l'entreprise vient d'annoncer une hausse de 20 % des salaires.
L'autre actualité moins noire sur le sujet, ce sont les grèves qui ont conduit les quatre usines Honda de Chine à cesser toute activité la semaine dernière. La grève est un phénomène peu courant en Chine, plutôt considéré comme un mal de pays occidental décadent.
L'affaire Foxconn a fait grand bruit, parce que l'entreprise est un monstre de l'électronique, avec 800 000 employés en Chine, qu'elle assemble l'iPhone pour Apple et travaille aussi pour Nokia, Sony ou HP. Les salaires moyens tournent autour de 900 yuans (107 euros). La compagnie a confirmé une prochaine augmentation des salaires, en prenant soin d'affirmer que ce n'était pas une réponse à l'épidémie de suicides. « Nous avons discuté de cette augmentation depuis le début de l'année alors que les affaires ont repris, et fixé une base de 20 % », a déclaré un porte-parole de Foxconn à Taïpeh. De fait, cette augmentation correspond à ce qu'a préconisé le patron de la province cet hiver. L'usine Foxconn est en effet située dans le Guangdong, l'un des fiefs des exportateurs chinois, où il manquait officiellement 900 000 ouvriers dans les usines de la région fin février. Du coup, Wang Yang, le réformiste patron du Parti du Guangdong, avait déclaré que la province étudiait une augmentation du salaire minimum, de 15 à 20 %.
Revendications soutenues par le gouvernement
L'autre événement saillant, donc, c'est la grève des ouvriers des usines chinoises de Honda, qui gère trois coentreprises dans le pays avec Dongfeng Motors et Guangzhou Automobile. Selon le National Business Daily, les grévistes, qui gagnent en moyenne moins de 1 500 yuans par mois (179 euros), réclament des augmentations substantielles. Un porte-parole de Honda en Chine a déclaré que « la compagnie est en négociation avec les travailleurs, en coordination avec le gouvernement local ».
Aujourd'hui, un grand nombre d'entreprises étrangères ou assimilées implantées dans le pays font face à une montée des revendications des salariés et plus particulièrement des travailleurs migrants. Symptomatiquement, le Hong Kong Trade Development Council (HKTDC) doit présenter cette semaine un rapport intitulé « La hausse des coûts sur le continent touche de plein fouet les entreprises hongkongaises ». Or, avec les entreprises taïwanaises, elles sont les grands employeurs du Sud chinois. À côté de la hausse du coût des matières premières et de l'inflation, la pression pour l'augmentation des salaires - pourtant bien minces - est considérée comme un problème.
D'autant que ces revendications de hausse des salaires semblent soutenues, jusque dans une certaine mesure, par les dirigeants chinois. Avec deux objectifs : limiter les tensions sociales et muscler la consommation intérieure pour compenser la baisse des exportations vers l'Occident.
La meilleure preuve en est le rôle joué par la très officielle Fédération nationale des Syndicats de Chine (FNSC). Dans le Guangdong par exemple, elle a préconisé que le salaire minimum soit au moins égal à 40 % du salaire moyen de la province. Selon Zhang Jianguo, de la FNSC, la part des salaires dans le PIB n'a cessé de baisser depuis 1983, passant de 56,5 % à 36,7 % aujourd'hui.
Cette hausse des salaires est aussi un grand argument des industries exportatrices contre toute appréciation du yuan, le secteur ne pouvant supporter en même temps ces deux facteurs de hausse de leurs produits destinés au marché extérieur. À moins d'accepter une réduction leur marge de profit, ce qui n'est pas d'actualité.
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