mardi 25 mai 2010

L'Australie a traversé la crise sans encombre grâce à ses liens avec Pékin

Le Monde - Economie, mercredi, 26 mai 2010, p. 14

L'Australie a traversé la crise sans encombre grâce à ses liens avec Pékin et une relance budgétaire massive
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Dans le cahier spécial emploi du quotidien The Australian fin avril, un grand dossier était consacré aux meilleures façons pour les dirigeants de société de convaincre leurs employés de rester. Car ici, la peur des licenciements n'a pas duré longtemps. Le taux de chômage, censé atteindre 6 % ou 7 % de la population active pendant la crise financière mondiale, n'a en réalité grimpé " que " jusqu'à 5,8 % en 2009; il est retombé à 5,3 % depuis. Et selon les prévisions du ministère de l'économie, il devrait descendre à 4,75 % en 2011.

L'Australie étonne, et pas seulement pour son taux de chômage. Alors que la majorité des pays développés sont entrés en récession, elle a connu en 2009 sa 19e année consécutive de croissance. Certes, avec 1,4 %, la croissance n'était pas mirobolante. Mais selon le ministère de l'économie, elle devrait reprendre son rythme d'avant la crise avec 3,25 % dès 2010, avant 4 % en 2011-2012.

Ce n'est pas tout. Le gouvernement, qui est entré en déficit pour soutenir son plan de stimulus fiscal, devrait retrouver un surplus plus vite que prévu, dès 2012-2013. Quant à la banque centrale, elle a déjà remonté le taux d'intérêt à six reprises en huit mois, le fixant à 4,5 %, pour contrôler le rythme rapide de la consommation.

Pourquoi l'Australie a-t-elle ainsi échappé à la crise ? Des économistes évoquent la Chine, devenue le premier partenaire commercial du pays; sa demande en matières premières a dopé le secteur minier australien, qui n'a cessé de produire du fer ou du charbon pour l'exportation. " Ce devait être une faiblesse : la plupart des exportations sont destinées à l'Asie. On craignait que la Chine plonge et nous avec. Mais finalement, cela a été utile. Son économie a rebondi et celle de l'Australie aussi ", commente Michael Stutchbury, journaliste à The Australian.

Mais beaucoup pensent que le stimulus fiscal est la principale raison. " Il n'avait aucun précédent et il est arrivé rapidement. Le gouvernement a décidé de le mettre en place avant même d'avoir tous les indicateurs macroéconomiques ", observe Gerard Minack, analyste chez Morgan Stanley. En quelques mois, ce dernier a déversé 42 milliards de dollars (28 milliards d'euros) dans l'économie, profitant d'années de surplus budgétaire.

En pleine crise, les Australiens se sont retrouvés avec de l'argent à dépenser... en plus. " Le secteur minier n'emploie que 1,5 % des actifs, contre 15 % pour le secteur des ventes. Se concentrer sur la consommation était donc la bonne méthode. Les gens ont pu continuer à dépenser et à épargner ", souligne M. Minack. Le gouvernement a aussi stimulé le secteur de la construction : dans presque toutes les écoles de Sydney, des panneaux expliquent que des travaux sont engagés dans le cadre du plan de stimulus.

Marché du travail dérégulé

Bilan, sur un marché du travail fortement dérégulé depuis les années 1990, les pertes d'emplois ont été limitées. " La flexibilité est un outil supplémentaire pour négocier la crise. Les patrons ont pu demander à leurs employés de faire moins d'heures, sans les licencier ", commente M. Stutchbury.

D'autres particularités ont joué. Ainsi, le secteur bancaire est plutôt sain. Même si les Australiens sont très endettés et que le prix des maisons ne cesse de croître, il n'y a pas eu de crise des prêts immobiliers. La plupart ont des emprunts à taux flottant; lorsque la banque centrale, qui disposait d'une grande marge de manoeuvre, baissait son taux, les ménages se retrouvaient avec moins d'argent à rembourser chaque mois. Au final, avec le stimulus, on estime qu'ils ont eu environ 10 % de revenus disponibles en plus.

Pour le gouvernement, qui table sur une hausse régulière du cours des matières premières, l'Australie est sur le chemin de la croissance pour longtemps.

Mais des incertitudes subsistent : l'économie du pays a ses faiblesses. Et notamment " la grande dépendance vis-à-vis de la Chine, pointe Frank Stilwell, professeur d'économie à l'université de Sydney. Lorsque l'on parlera de matières premières moins polluantes, le boom risque d'être difficile à maintenir ", alerte-t-il. La dette des ménages inquiète aussi. " Ils sont plus endettés qu'aux Etats-Unis. Je ne crois pas en une croissance sur vingt ans. Il n'y a pas eu d'éclatement de la bulle immobilière, mais cela pourrait arriver la prochaine fois ", prévient ainsi M. Minack.

Il y a aussi le risque d'avoir une économie à deux vitesses : les salaires augmentent bien, mais surtout dans le secteur minier. " Il y a un boom minier avec un dollar plus fort. D'autres secteurs, comme le tourisme, en pâtissent ", soutient M. Stutchbury. Malgré tout, beaucoup de pays occidentaux aimeraient se retrouver dans la situation de l'Australie.

Marie-Morgane Le Moël

PHOTO - SYDNEY, AUSTRALIA - MAY 15: NSW Premier Kristina Keneally and Prime Minister Kevin Rudd greet the crowd prior to the arrival of teen sailor Jessica Watson following her world record attempt to become the youngest person to sail solo, non-stop and unassisted around the world, in Sydney Harbour on May 15, 2010 in Sydney, Australia. The 16-year old set out in October last year to break the record held by fellow Australian Jesse Martin, but there remains doubt from the World Speed Sailing Record Council (the official record body) as to whether she sailed far enough north of the equator to claim the world record.

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