Les Etats-Unis et la Chine posent des diagnostics opposés quant à l'état de santé de l'économie mondiale. A Pékin, on juge que la reprise est fragile; à Washington, qu'elle vient plus vite que prévu. Les difficultés de la zone euro alimentent aussi un sentiment d'inquiétude. Quoi qu'il en soit, la Chine doit penser à revenir à une certaine rigueur monétaire pour maîtriser la surchauffe de son économie.
Apparemment, la crise provoquée par les dettes publiques européennes a convaincu Pékin qu'il valait mieux y réfléchir à deux fois avant de mettre fin à son dispositif de soutien à l'économie. Si le Portugal, l'Irlande, l'Espagne et la Grèce - les pays les plus gravement atteints - ne pèsent que pour 3 % dans ses exportations, l'Europe n'en est pas moins le premier partenaire commercial de la Chine. Une croissance faible, voire négative en zone euro, aurait de graves conséquences pour les filières exportatrices du pays.
Pékin craint aussi que les mesures adoptées pour " calmer " son marché immobilier ne donnent un coup de frein brutal à l'économie. Le 15 avril, le conseil des affaires de l'Etat a contre toute attente édicté un plan de restrictions drastiques visant ce secteur, comprenant, entre autres, le relèvement des taux d'intérêt et du minimum d'apport personnel exigé. S'en sont alors suivis une diminution du volume des transactions immobilières et un mouvement de retrait massif des investisseurs, qui se sont mis à vendre leurs biens ou leurs valeurs bancaires. L'indice phare de la Bourse de Shanghaï a ainsi plongé pour retrouver son niveau d'avril 2009.
La Chine ne peut cependant se permettre un revirement trop brutal de politique. La surchauffe immobilière va encore faire des dégâts, le temps que les décisions prises produisent leurs effets. Les prix ont battu un record en bondissant de 12,8 % entre avril 2009 et avril 2010. Il faudrait qu'ils dégringolent de 30 % pour revenir à leur niveau de début 2009. Les mesures prises les feront baisser de 10 % tout au plus cette année, car le recours au crédit est peu courant et rien ne pousse les propriétaires à vendre dans l'urgence.
Risque d'emballement
Les chiffres montrent que le risque d'emballement est réel pour l'économie chinoise. Les indicateurs de l'OCDE laissent présager une croissance de l'ordre de 10 % aux deuxième et troisième trimestres. En avril, l'indice des prix à la consommation a dépassé les prévisions en augmentant de 2,8 % en cumul annuel : il est probable que la Chine ne réussira pas à contenir l'inflation en deçà du taux de 3 % qu'elle s'est fixé pour 2010.
Par ailleurs Pékin pratique une politique monétaire des plus généreuses. Un plafond sur le volume des prêts bancaires a bien été imposé en début d'année, mais il ménage tout de même une marge de progression de 19 % pour les établissements financiers. Voilà assurément qui ne ressemble guère à un tour de vis.
Finalement, l'analyse américaine semble être la plus juste. La Chine n'a pas besoin d'un nouveau plan de relance; elle doit faire ce qu'il faut pour mieux équilibrer sa croissance.
Wei Gu
(Traduction de Christine Lahuec)
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