Les officiels chinois ont démenti hier toute désaffection pour les placements en euros. Ils rappellent qu'ils sont engagés dans une politique de diversification de leurs réserves de change et qu'ils n'ont aucun intérêt à jouer contre la devise européenne.
Exceptionnellement, les officiels chinois sont sortis de leur silence, hier, pour démentir les rumeurs de presse qui depuis la veille évoquaient une soudaine désaffection des investisseurs institutionnels du pays pour les investissements en euros. Pour contrer l'affolement des marchés internationaux, la Safe, l'administration gérant les réserves de change du pays, s'est fendue d'un bref communiqué de mise au point. « La Chine est un investisseur responsable et de long terme dans l'investissement des réserves de change et nous suivons toujours le principe de diversification », pointe l'institution, avant d'affirmer que « l'Europe a été, est et restera l'un des principaux marchés d'investissement pour les réserves de change de la Chine. »
Si les autorités de Pékin s'inquiètent effectivement de l'ampleur de la crise de la dette européenne, elles ne se sont pour l'instant émues publiquement que de l'impact commercial de la chute de l'euro et de la multiplication des plans d'austérité dans les pays de l'Union, qui pourraient peser sur la performance de leurs exportations. Jusqu'ici, le pays s'était bien gardé d'évoquer les conséquences de la crise sur sa stratégie d'investissement de ses 2.450 milliards de dollars de réserves de change. Les institutionnels savent que la moindre critique sur la valeur de l'euro dévaloriserait immédiatement une part importante de leurs actifs.
Si 70 % des réserves de change du pays sont placées dans des produits en dollars, entre 20 % et 25 % ont été investies en euros, selon les estimations des analystes étrangers, ce qui pourrait représenter jusqu'à 610 milliards de dollars. « Le gouvernement chinois ne va pas lui-même s'accrocher un boulet au pied », s'offusquait hier un officiel interrogé par l'agence MNI. « Il est probable que la Safe se désengage un peu, comme tous les autres investisseurs, de la dette souveraine des Etats européens faisant face à des difficultés mais elle devrait, en échange, se reporter sur des obligations émises par d'autres pays de l'Union monétaire pour ne pas faire reculer la part globale de ses placements en euros », analyse un expert européen basé à Pékin avant de rappeler que la Chine aurait même intérêt à acheter de l'euro pour soutenir sa valeur. « De plus, la monnaie européenne est actuellement bon marché et pourrait bientôt repartir à la hausse », remarque-t-il.
Placements diversifiés
Mettant en perspective « les fantasmes » de certains observateurs sur les supposés stratagèmes chinois, les analystes rappellent que la Safe a toujours mené une politique très conservatrice. « La Chine est véritablement engagée dans une politique de long terme de diversification de ses réserves de change », confirme Jinny Yan, une économiste de la Standard Chartered Bank. « Elle aurait bien entendu les moyens d'influer plus sur tous les grands équilibres mais elle ne veut pas être un spéculateur de marché », pointe-t-elle. Soupçonnée injustement de délaisser l'euro, Pékin avait déjà été suspecté de jouer contre le dollar en février dernier, quand le pays avait apparemment laissé au Japon le titre de plus gros détenteur de bons du Trésor américain. Après quelques ajustements statistiques, l'accusation s'était avérée infondée. Et, au mois de mars dernier, le pays avait même massivement relevé ses investissements directs en bons du Trésor des Etats-Unis, pour en détenir un total de quelque 895,2 milliards de dollars.
YANN ROUSSEAU
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