Superstar. Bercy est à elle les 21 et 22 mai. Enquête sur le phénomène planétaire qui dynamite les codes de la pop.
Il y a encore dix-huit mois, personne n'avait entendu parler de Lady Gaga. Fin avril, la chanteuse américaine a été désignée, à 24 ans, « artiste la plus influente de l'année » par Time Magazine. Entre-temps, elle a sorti deux albums, vendu 35 millions de singles, battu le record de popularité sur YouTube (1 milliard d'internautes curieux de ses clips extravagants), été nominée à six reprises aux Grammy Awards, neuf fois aux MTV Video Music Awards, rencontré la reine d'Angleterre, arraché à la grande Madonna une déclaration d'allégeance... Une ascension fulgurante, symptomatique d'une société où l'information file d'un continent à l'autre à la vitesse de la lumière, transporte des milliers de buzz par jour d'un ordinateur japonais à un laptop parisien via une chaîne de télévision américaine ? Pas seulement. Car, aujourd'hui plus que jamais, les aspirantes pop stars affluent en masse, déversant leur talent calibré au cours de télécrochets hyperpopulaires et croyant détenir les clés d'un succès planétaire rapide. Bref, les Lady Gaga en herbe sont légion. Alors, pourquoi elle ?
Comme dans toute genèse de femme mythique, au commencement était une pomme. Pour elle, c'est la Grosse Pomme. Stefani Germanotta voit le jour au coeur de l'Upper West Side, New York, en 1986. Sa famille est d'origine italienne et son éducation se fera à l'école catholique du quartier. Elle commence le piano à 8 ans, passe ses samedis après-midi en cours de théâtre. Adolescente, elle travaille le soir comme serveuse pour s'offrir un sac Gucci à 600 dollars. Ses amis d'alors se souviennent d'elle comme d'une fille populaire, rondelette, actrice sur les bords,overdramatic, comme disent les Américains (choquée par le 11 septembre 2001, elle s'habillera en noir pendant plusieurs jours, portant le deuil à sa façon : théâtrale). Quand elle quitte le giron familial, après le lycée, avec la ferme intention de devenir une rock star, c'est pour le Lower East Side, quartier général du New York arty. Comme le souligne Frédéric Martel, auteur de « Mainstream, enquête sur cette culture qui plaît à tout le monde » (1),« Lady Gaga est la caricature de cet univers où diversité culturelle, créativité et subversion sont légion. La contre-culture est sa matrice; c'est là que pullulent les prescripteurs de tendance, les "fixeurs de cool", principalement dans la communauté gay, qui est pour beaucoup dans son ascension médiatique. Avant de devenir mainstream [NDLR : grand public], tout artiste se doit de passer par la case branchée, contre-culturelle, périphérique ». C'est donc dans les clubs de rock underground que Gaga fait ses armes. Elle se teint les cheveux en noir, sa voix et sa présence scénique lui valent une petite renommée, elle travaille à l'écriture de chansons... Mais ce n'est pas encore ça, et le temps presse : la jeune femme a prévu de devenir une star internationale avant l'âge de 21 ans. En 2005, elle se rebaptise Lady Gaga, en hommage à la chanson de Queen « Radio Ga Ga ». Son intérêt pour la mode grandit, elle signe un contrat juteux avec une maison de disques, mais rien ne vient. En attendant, elle danse nue dans des bars à strip-tease pour gagner sa vie, tombe follement amoureuse d'un musicien de heavy metal et se prend de passion, bien sûr, pour le roi Warhol, surlignant des passages de ses livres, espérant sans doute y trouver le code secret de la gloire...
Clips de choc. New York l'a vue germer, mais c'est Los Angeles, Mecque de la culture mondialisée, qui la verra éclore : elle part en 2007 à l'assaut de Hollywood. Martin Kierszenbaum, le directeur artistique de son label, Interscope Records, se rappelle encore leur première rencontre : « Elle était encore brune. Nous nous sommes immédiatement entendus autour de notre passion pour la musique de Prince et avons commencé à écrire des chansons ensemble. » Le premier fruit de cette collaboration a un titre prémonitoire : « The Fame » - « La célébrité ». En 2008, elle sort son premier album solo, mais l'Amérique ne semble pas prête à adopter le monstre pop qu'elle a fait naître : « Au début, le marché américain n'a pas été très réceptif, poursuit Kierszenbaum.Sa musique était très différente de ce qui passait à la radio... J'ai donc décidé de la lancer en priorité en Suède, au Canada et en Australie. » C'est à partir de ce moment que la navette Gaga décolle pour atteindre en un temps record la vitesse de la lumière. « Paparazzi », « Poker Face », « Just Dance » sont des tubes immédiats. La recette en est simple et terriblement efficace : une musique calibrée pour les pistes de danse, des refrains accrocheurs, des paroles rudimentaires, une voix gutturale et sensuelle. Relayés par des clips de choc qui allient subversion, imagerie gay et caution artistique, portés par un personnage so shocking qui refuse de tomber le masque lors des interviews, laisse planer le doute sur sa sexualité et enchaîne les déclarations attrape-médias (« Une pop star, ça ne devrait pas manger » ;« Je tuerais pour obtenir ce qu'il me faut »), les tubes s'enchaînent, les récompenses pleuvent, l'engouement frôle l'hystérie générale. Il y a quelques semaines, les places pour ses deux concerts parisiens à Bercy se sont vendues en... cinq minutes.
« La seule personne qui contrôle Lady Gaga, c'est Lady Gaga », s'accordent à dire les proches de la star : auteure, compositrice et interprète de ses tubes, elle gère son image d'une main de fer, gagnant par son audace le respect du monde de la mode, évident prescripteur de tendances.« Elle veut être extravagante, faire de l'art, tout essayer, s'extasiait il y a peu le photographe David LaChapelle dans le New York Magazine. A Paris, elle a trouvé quatre heures pour aller visiter les musées. » Brian Lichtenberg, jeune créateur de mode et favori de la star, pour qui il crée d'improbables tenues sur mesure, admire, lui, sa boulimie de travail : « C'est pour ça qu'elle a tant de succès. Le mystère qui entoure son personnage est lié au fait qu'elle n'a pas le temps de mener une vie normale, de faire autre chose que travailler. » Excentricité, image scandaleuse, mais surtout détermination et travail sans limite... Lady Gaga semble avoir trouvé la formule magique du succès planétaire option 2010. Riche et célèbre, trouvera-t-elle en elle la capacité de réinvention qui a fait la pérennité des carrières de Madonna ou de Michael Jackson ? L'avenir nous le dira. Le présent, lui, appartient à Lady Gaga
Des rumeurs à sa (dé)mesure
Qui dit notoriété planétaire dit rumeurs planétaires. En ce qui concerne Lady Gaga, les ragots sont à la démesure de son personnage médiatique. L'histoire la plus folle à ce jour ? La chanteuse aurait un... pénis ! Ce qu'elle a démenti avec un certain humour, posant en couverture du magazine Q avec un sexe d'homme scotché au pantalon. Explication de l'intéressée : « Nous savons tous que l'un des débats majeurs cette année a été de savoir si j'avais ou non une b***. Je me suis dit : "Pourquoi ne pas leur donner ce qu'ils veulent ?"» Autre on-dit délirant : Gaga serait une marionnette à la solde de la secte des Illuminati (oui, ceux du « Da Vinci Code » !). Sur ce dernier point, la star n'a même pas jugé utile de s'exprimer.
© 2010 Le Point. Tous droits réservés.
0 commentaires:
Enregistrer un commentaire