Les femmes, cibles de choix de l'industrie du tabac.
«Je déteste la cigarette, mais je ne vais quand même pas empêcher mes clients de fumer... » Chaque jour, dans son restaurant populaire, Mme Li respire un air saturé de fumée. Des dizaines de mégots jonchent le sol, mais aucun de ses clients ne semble indisposé. Dans un pays qui compte 350 millions de fumeurs, la question de la gêne ne se pose pas.
Ancré de longue date dans la culture chinoise, le tabagisme est associé à toutes sortes de pratiques sociales. Dans la vie quotidienne, l'échange de cigarettes permet d'inaugurer les conversations. Le don est par ailleurs très répandu dans les relations d'affaires, fêtes traditionnelles, et même sous forme d'offrandes déposées sur les tombes. Le prix d'un paquet s'échelonne de 3 yuans (35 centimes d'euro) à 1 600 yuans (187 €).
Certaines cigarettes « light » ou aromatisées sont avant tout destinées aux femmes. Car 60 % des hommes de 15 à 59 ans étant fumeurs, les cigarettiers cherchent depuis longtemps à conquérir l'autre moitié de la population, même s'il n'est « pas bien vu pour une fille respectable d'être vue avec une cigarette », comme le reconnaît avec un sourire malicieux, en écrasant la sienne, une jeune femme occidentalisée.
Sur le plan sanitaire, la situation est catastrophique, avec chaque année plus d'un million de décès directement imputables à la cigarette. Signataire en 2006 de la convention cadre de l'OMS pour la lutte antitabac, le gouvernement commence à en prendre la mesure. Selon des statistiques officielles, le tabac coûte chaque année 29 milliards d'euros en frais médicaux et en incendies, bien plus que les taxes qu'il rapporte.
Aussi de nombreuses mesures de dissuasion ont-elles été prises. En 2011, une interdiction de fumer devrait être imposée dans les lieux publics et les transports en commun. Le ministère de la santé a décidé d'offrir 58 € à chaque employé qui arrêtera de fumer. Par ailleurs, il est recommandé aux fonctionnaires qui surprendraient leurs collègues avec une cigarette de les dénoncer. De moins en moins visible, la publicité devrait être interdite.
Pour autant, ces évolutions se voient opposer de puissantes résistances. Depuis 2008, de nombreuses zones officiellement « non-fumeurs », comme les cybercafés, restent invariablement infestées de fumée, malgré des dizaines de panneaux d'interdiction. Loin de la capitale, même si les 190 usines de transformation de tabac sont soumises au monopole d'État, les personnes qui en vivent voient d'un très mauvais oeil une éventuelle chute de la consommation. Et le tabac est cultivé par 6 millions d'exploitations.
Par ailleurs, les taxes liées intéressent beaucoup les gouvernements locaux. L'an dernier, les autorités du comté de Gong'An, dans le Hubei, ont diffusé une circulaire enjoignant aux fonctionnaires de... fumer davantage de cigarettes locales ! Avec menace de sanction financière pour les services qui n'auraient pas atteint leur quota...
Et même si Pékin a rapidement obtenu le retrait du texte, parfois l'emprise du pouvoir central est insuffisante. C'est le cas dans la lutte contre la contrefaçon, secteur immensément lucratif aux mains de groupes mafieux très bien organisés, discrets et capables d'une grande violence pour protéger leurs « affaires ». Ils inondent tous les marchés, en particulier en Europe, comme en atteste la récente saisie de 9 tonnes de contrefaçon chinoise, saisies par la douane française, le 10 mai dernier, à Fos-sur-Mer. Les copies, souvent très bien réalisées, seraient encore plus nocives que les cigarettes originales. Ceci est de très mauvais augure pour la santé publique en Chine, puisque le marché intérieur est leur principale cible.
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