La Chine s'inquiète ouvertement de la faiblesse de l'euro et de la baisse de la demande en Europe. Les risques sont un retard dans l'appréciation du yuan.
Il avait fallu plusieurs mois pour que les cadres du pouvoir chinois parviennent enfin à s'entendre sur leur stratégie monétaire et leur politique économique. Au terme d'un vif débat entre la banque centrale et le ministère du Commerce, les autorités de Pékin, finalement rassurées par la reprise de leur croissance et de leurs exportations, semblaient décidées, en avril, à laisser s'apprécier légèrement leur monnaie et à lentement replier leurs mesures de relance. En quelques jours, la crise de la dette en Europe est venue bouleverser ce fragile scénario. « S'il n'y avait pas eu de crise en Grèce, nous aurions déjà assisté à une appréciation de la monnaie chinoise. Désormais, il y a de nouveau des interrogations à Pékin », résume Patrick Chovanec, professeur d'économie à l'université Tsinghua de Pékin.
Perte de compétitivité
Depuis le début de la semaine, des cadres du gouvernement communiste reconnaissent ouvertement qu'ils s'inquiètent de l'ampleur de la crise en Europe qui absorbe près de 20 % des exportations de produits « made in China ». Ayant ancré, depuis l'été 2008, la valeur du yuan à celle du dollar, ils redoutent son surenchérissement automatique par rapport à l'euro qui ne cesse de s'effondrer face à la devise américaine. « Au cours des quatre derniers mois, le yuan s'est apprécié de 14,5 % face à l'euro. Cela va accroître la pression sur les prix pour les exportateurs chinois et aura un impact négatif sur les exportations chinoises vers les pays européens », avait expliqué, la semaine dernière, Yao Jian, le porte-parole du ministère du Commerce.
Au-delà de cette perte de compétitivité de leurs entreprises qui réalisent souvent des marges minuscules sur les marchés occidentaux, notamment dans les secteurs du textile ou du petit électronique, les cadres chinois redoutent une plus vaste crise économique en Europe, alimentée par la multiplication des plans d'austérité. « Ils envisagent une récession à double creux et donc une répétition des problèmes de l'an dernier », assure Patrick Chovanec. Mercredi, Huo Jianguo, le directeur du centre de recherche du ministère du Commerce, assurait que la crise européenne devrait d'ailleurs se faire sentir dans les statistiques des prochains mois. « En mai, juin et surtout au troisième trimestre, la croissance des exportations va se ralentir à 6 % ou 7 % contre 25 % au mois d'avril », a-t-il détaillé. « Il n'y a aucun doute, les trois prochains mois vont être difficiles », confirme Lu Zhengwei, l'économiste en chef d'Industrial Bank of China. Il refuse toutefois de sombrer dans le pessimisme et rappelle que les cinq pays européens apparaissant comme les plus en difficulté (Grèce, Italie, Irlande, Espagne et Portugal) n'absorbent que 2,5 % des exportations chinoises. « Ca reste limité et gérable. On ne devrait pas retomber dans une crise aussi forte que celle de l'an dernier », souffle-t-il.
Suivant de près ces débats, le gouvernement chinois est dans l'expectative. « Ils ne vont pas se précipiter dans une modification de leur politique monétaire et devraient attendre quelques semaines pour voir comment la situation évolue », pointe Patrick Chovanec, qui croit toujours, à moyen terme, à une relance de la politique d'appréciation du yuan. A l'intérieur du pays, les décideurs surveillent également l'évolution du marché immobilier, qui s'est emballé après avoir largement contribué à la relance en 2009, ainsi que la poussée de l'inflation avant d'enclencher un relèvement des taux d'intérêt. « Le calendrier de cette hausse a probablement été repoussé », confirme Dong Tao, un analyste de Credit Suisse.
YANN ROUSSEAU
0 commentaires:
Enregistrer un commentaire