Des contrats ont été signés mardi. Le rapprochement passe surtout par le transport maritime
La Grèce cherche une porte de sortie à sa crise économique, la Chine une porte d'entrée en Europe du sud-est. Les intérêts des deux pays coïncideraient donc à merveille, selon le vice-premier ministre chinois Zhang Dejiang, en Grèce jusqu'à jeudi 17 juin.
« Le gouvernement chinois va encourager les entrepreneurs à venir en Grèce pour des partenariats et des investissements », dans le cadre de « la volonté des deux pays de renforcer leurs relations et de faire face en commun » à la crise internationale, a déclaré l'officiel chinois à l'issue d'une rencontre, mardi, avec son homologue, Théodore Pangalos.
A la tête d'une imposante délégation de responsables politiques et économiques, M. Zhang succède en moins d'un mois à Athènes au président du géant chinois du transport maritime Cosco, tandis qu'une visite du premier ministre chinois est prévue d'ici la fin de l'année.
« Attirer les aigles chinois »
Débuté avec les Jeux olympiques et le passage de relais d'Athènes à Pékin de 2004 à 2008, le rapprochement s'ancre avant tout au Pirée, le port d'Athènes, et l'un des principaux de Méditerranée orientale. Contrôlant 15 % d'une flotte commerciale mondiale qui a surfé au début des années 2000 sur le boom chinois, les armateurs grecs se sont chargés de tisser les liens. Et ils ont multiplié les commandes de bateaux en Chine, devenue le plus gros constructeur naval mondial, devant la Corée du Sud, selon les statistiques publiées en janvier par le ministère chinois de l'industrie et de l'information technologique. En 2009, le carnet de commandes chinois dans ce secteur a d'ailleurs progressé de 61 %.
En novembre 2008, Cosco décrochait pour trente-cinq ans et 3,4 milliards d'euros le contrôle d'une base de porte-conteneurs au Pirée, ouvrant les Balkans et la mer Noire aux produits chinois. Entre-temps, le centre populaire d'Athènes cédait la place à une Chinatown, d'où le prêt-à-porter à bas prix est colporté jusqu'aux îles les plus reculées de la mer Egée.
Cosco s'est imposé comme protagoniste de cet entrisme chinois, partie prenante avec des armateurs grecs de 7 des 13 contrats signés mardi à Athènes pour des commandes de 15 cargos, l'affrètement de 6, et la création d'une joint-venture. Les autres prévoient notamment la construction d'un grand hôtelier au Pirée et l'exportation d'huile d'olive. Au total, le volume d'affaires ainsi brassé s'élève à plusieurs centaines de millions d'euros, selon un responsable grec.
C'est donc en vain que les dockers grecs, contrôlés par le très stalinien parti communiste local, se sont époumonés pendant des mois aux cris de « Cosco go home » en dénonçant le bradage du Pirée par la droite alors au pouvoir.
Mais, en quête de capitaux frais pour réduire une astronomique dette, le gouvernement socialiste a relancé l'opération de charme. Au point de s'être vu crédité en janvier par le Financial Times d'avoir sollicité la Chine pour écouler des obligations d'Etat par l'intermédiaire de Goldman Sachs, ce qu'Athènes a « catégoriquement démenti ».
L'Union européenne et le Fonds monétaire international (FMI) s'étant depuis chargé du refinancement du pays, les discussions gréco-chinoises se concentrent actuellement sur le développement d'un grand centre de commerce à l'ouest du Pirée et ses débouchés ferroviaires. Les chemins de fer grecs figurent au programme de privatisations annoncé début juin par Athènes pour faire entrer plus de 3 milliards d'euros dans les caisses d'ici à 2013. Le secteur touristique, premier moteur économique du pays mais lui aussi en panne, rêve d'attirer la clientèle chinoise.
En Chine, les observateurs remarquent que la situation d'un pays en faillite comme la Grèce s'accorde parfaitement à la stratégie du pays consistant à investir dans un environnement à risque. Comme le disait récemment à Athènes le PDG de Cosco, Wei Jiafu : « En Chine, on a un proverbe qui dit : «Construisez le nid de l'aigle et l'aigle viendra». » Et ce haut dignitaire du Parti communiste chinois d'expliquer : « Nous avons construit un nid dans votre pays pour attirer les aigles chinois »...
Catherine Georgoutsos avec Bruno Philip (à Pékin)
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