La Chine est le pays ayant les plus longues frontières terrestres au monde - quelque 22 000 kilomètres - partagées avec un nombre, là aussi, record de 14 voisins. Rien de surprenant donc, que Pékin soit régulièrement inquiété par des soubresauts à ses portes, hier en Birmanie ou en Corée du Nord et aujourd'hui du côté de l'Asie centrale. Le ministère chinois des Affaires étrangères a affirmé hier qu'il suivait « avec la plus extrême vigilance » les événements du Kirghizstan. Selon l'agence Chine nouvelle, plus de 200 ressortissants chinois ont déjà été rapatriés par avion vers le Xinjiang. Quelque 600 Chinois, sur un total de 7 000 vivant dans la région de Och, auraient demandé à être évacués.
Impératifs énergétiques
Très prudents sur le sujet, les dirigeants chinois ne peuvent rester indifférents à ces nouvelles convulsions. Il y a d'évidents soucis de sécurité. On estime que 250 000 personnes d'ethnie ouighour vivent au Kirghizstan. Or, les sanglantes émeutes de juillet dernier à Urumqi, la capitale du Xinjiang à forte minorité musulmane turcophone, ont encore exacerbé les craintes d'une déstabilisation de la région. Des commentateurs chinois s'inquiètent que l'activisme islamiste ne se répande depuis la vallée de Fergana, via un Kirghizstan livré au chaos offrant un sanctuaire pour des « terroristes ».
Plus largement, la Chine s'est lancée dans un nouveau « Grand Jeu » en Asie centrale, dont les règles sont largement dictées par les impératifs d'approvisionnements énergétiques. Très symboliquement, samedi, alors que la violence embrasait le sud du Kirghizstan, le président Hu Jintao était au Kazakhstan, pour signer avec son homologue, Noursoultan Nazarbaïev, des accords portant sur la construction d'un gazoduc et la collaboration en matière nucléaire. Trois jours auparavant, le président chinois avait paraphé d'autres accords sur l'achat d'uranium et de gaz naturel, cette fois-ci avec l'Ouzbékistan. Et à la fin de l'année dernière, Pékin avait inauguré de manière spectaculaire un gazoduc de 1 800 kilomètres, partant cette fois-ci du Turkménistan pour aboutir dans le nord-ouest chinois.
Dans tous ces pays, la Chine développe des projets d'infrastructures, permettant à ses produits d'inonder les marchés locaux. Le commerce avec les cinq républiques d'Asie centrale a explosé, avec un volume de l'ordre de 30 milliards de dollars en 2008. En brisant des situations de monopole établies par la Russie, cette présence chinoise grandissante en Asie centrale est évidemment vue comme un nouveau défi par Moscou.
Arnaud de la Grange
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