Selon l'ancien premier ministre, c'est Deng Xiaoping qui aurait ordonné l'intervention armée en 1989.
L'histoire interdite des événements de Tiananmen peine toujours à s'écrire sous le lourd couvercle de la censure, mais faits et témoignages se glissent dans les interstices.
Cette année, à l'occasion de l'anniversaire de la tragédie du 4 juin 1989, c'est depuis Hongkong que l'on annonce la publication de mémoires inédits de Li Peng, le premier ministre de l'époque. Un témoignage qui ne bouleverse pas la lecture des événements, mais apporte des éléments intéressants. Il écorne notamment l'image de Deng Xiaoping, le père des réformes chinoises. S'il aurait demandé aux militaires chargés du nettoyage de la place de « limiter les dégâts », Deng aurait aussi déclaré être prêt à « faire couler un peu de sang » pour mettre fin à la contestation.
Le livre, dont la sortie est annoncée pour le 22 juin, est publié en chinois à Hongkong par New Century Press, qui avait déjà fait sensation l'an dernier en publiant les mémoires secrets de Zhao Ziyang, le patron du PC de l'époque, limogé pour avoir voulu s'opposer à la répression.
Mémoires inédits
Le directeur de la maison d'édition, Bao Pu, reconnaît que ces confidences de Li Peng ne sont pas à 100 % authentifiées. On sait que Li Peng avait en effet écrit ses mémoires, mais que les dirigeants avaient jugé leur publication inopportune en 2004. Aujourd'hui âgé de 81 ans, il a été premier ministre de 1987 à 1998. Dans ce témoignage qui lui est attribué, Li Peng raconte que Deng Xiaoping était bien à la manoeuvre en ces jours de fièvre, et non pas ce dirigeant fatigué sous l'influence de faucons du régime comme cela a parfois été écrit. « Si l'imposition de la loi martiale est une erreur, j'en assume le premier la responsabilité », aurait-il déclaré.
Même s'il n'est pas du même bord, loin s'en faut, Bao Tong a la même lecture des événements. Cet ancien bras droit de Zhao Ziyang, par ailleurs père de l'éditeur Bao Pu, nous confiait récemment que « Deng était totalement aux commandes, du début à la fin », et le grand responsable de la répression. Même si c'est Li Peng qui se voit souvent désigné par le triste sobriquet de « boucher de Pékin ». Deng est mort en 1997 à l'âge de 92 ans sans avoir livré aucune confidence sur le processus de décision politique de l'époque.
Dans la postface écrite en 2004, Li Peng estime qu'il est toujours nécessaire d'adopter « des mesures décisives, fondées sur le droit, pour écraser dans l'oeuf tout risque d'agitation ». Au fil de ses pages, on lit aussi la justification du coup d'arrêt de 1989 par l'actuel président Hu Jintao, qui aurait déclaré en 2001 : « Si l'on n'avait pas combattu résolument et comme il convenait les désordres politiques, la stabilité et la prospérité d'aujourd'hui n'auraient pas été possibles. »
Ces jours derniers, du président taïwanais aux étudiants de Hongkong, de nombreuses voix ont encore appelé les dirigeants chinois à solder les comptes de ce lourd passé, en faisant notamment la lumière sur le nombre de victimes et de protestataires encore emprisonnés. Mais plus que jamais, le tabou reste total.
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