lundi 14 juin 2010

Pékin veut défendre la propriété intellectuelle chinoise - Lucie Denechaud

La Croix, no. 38685 - Monde, jeudi, 10 juin 2010, p. 8

Une campagne nationale a été lancée cette année pour lutter contre les copies et la contrefaçon

La « copie » est un fléau en Chine, pour les produits étrangers comme pour les produits chinois. À l'occasion des 10 ans de la Journée mondiale de la propriété intellectuelle le mois dernier, une campagne d'éducation et de répression a été lancée en Chine. « Cette année, nous continuerons à renforcer la punition des infractions », a déclaré Tian Lipu, directeur du Bureau chinois de la propriété intellectuelle, faisant référence à la fois à la production artistique (livres, DVD, musique) et à la contrefaçon de produits manufacturés. Quinze provinces, régions autonomes et municipalités ont participé à ces activités au cours desquelles ont été détruits plus d'un million de copies de toutes sortes, livres, DVD, sacs, bibelots, matériel électronique, etc., selon la télévision chinoise CCTV. Les statistiques, données par la chaîne, montrent qu'au cours du premier trimestre, la Chine aurait récupéré 8,5 millions de publications illégales, et traité près de 2 000 cas de contrefaçon.

« Cela fait plusieurs années que la Chine médiatise des campagnes de lutte pour la propriété intellectuelle, commente Yves Dolais, professeur de droit chinois aux Langues-O à Paris. L'impact est double. Au niveau international, la Chine veut montrer qu'elle redouble d'efforts dans sa lutte contre la contrefaçon et du point de vue national, ces mesures exemplaires ont une valeur éducative. » En pleine Exposition universelle, Pékin se veut rassurant et rappelle que le nombre de brevets déposés en Chine a augmenté de près de 18 % en 2009 par rapport à l'année précédente, pour atteindre un total de 980 000 brevets. « L'Expo de Shanghaï n'a pas grand-chose à craindre en matière de contrefaçon. En revanche, tous les produits dérivés risquent d'être copiés, comme pour les JO », explique Yves Dolais. En effet, les premières victimes des contrefaçons sont les entreprises chinoises. Le très visité pavillon chinois de l'Exposition universelle a d'ailleurs déjà été copié en version plus petite dans un district du Jiangsu (au nord de Shanghaï), provoquant une énorme controverse.

Souvent perçue comme l'un des mauvais élèves en matière de propriété intellectuelle, la Chine possède cependant une législation relativement conforme aux pays occidentaux. « Le problème réside dans l'interprétation du droit juridique et dans sa mise en oeuvre, explique Yves Dolais. Il est important de prendre en compte le contexte culturel confucéen. En chinois, le mot "apprendre" signifie également "copier". La culture de la copie est ancrée dans les moeurs. Dans cette société imprégnée d'une histoire confucéenne et communiste, l'individu doit se conformer au groupe. » Tout comme le Japon dans les années 1960 ou la Corée dans les années 1980, la Chine a créé son économie en copiant. Aujourd'hui, elle devient d'autant plus compétitive qu'en plus de reproduire, elle améliore.

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