Signatures d'importants projets énergétiques et rappel à l'ordre chinois sur l'importance de maintenir " paix et stabilité " à la frontière sino-birmane ont été au menu, jeudi 3 juin, de la visite en Birmanie du premier ministre chinois, Wen Jiabao.
C'est la première fois en seize ans qu'un chef de gouvernement chinois se déplace chez son voisin. La Birmanie est contrôlée depuis 1962 par les différents avatars d'une junte militaire avec laquelle Pékin entretient une relation étroite mais non dépourvue d'ambiguïté.
La Chine populaire est l'un des rares alliés du régime de Naypyidaw, la capitale qui a remplacé Rangoon en 2005. Troisième partenaire commercial de la Birmanie après la Thaïlande et Singapour, Pékin est le principal pourvoyeur du régime en armements.
Le premier ministre a notamment inauguré des projets sino-birmans d'oléoduc et de gazoduc : le premier traversera, sur 2 800 km, la province chinoise du Yunnan jusqu'à la capitale provinciale de Kunming. Le second se dirigera plus vers l'est pour aboutir dans les provinces chinoises méridionales du Guizhou et du Guangxi.
Ces équipements permettront à Pékin de diversifier ses voies d'approvisionnements énergétiques et d'éviter le détroit de Malacca, infesté de pirates.
La Birmanie n'a pas seulement pour la Chine une valeur économique pour ses richesses en matières premières et en bois précieux : elle est également un pion crucial sur l'échiquier stratégique régional de Pékin. La Chine participe à la construction et à la modernisation des ports birmans de Merguei, Dawei et Sittwe, ce qui lui permet d'accéder à l'océan Indien et de boucler sa stratégie de contournement de son vieil adversaire indien, pays avec lequel elle entretient des relations compliquées en dépit d'une normalisation de façade.
La Chine a notamment installé un centre d'écoutes sur un îlot situé à proximité de l'archipel indien des Andaman et Nicobar, ce qui ne plaît guère à New Delhi.
Rapports complexes
De récents événements sur la frontière sino-birmane ont cependant mis en lumière le caractère complexe des rapports entre Pékin et Naypyidaw. En août 2009, des combats entre l'armée birmane et des milices locales dans la région de Kokang, peuplée en majorité d'une population de souche chinoise, avaient provoqué un afflux de 30 000 réfugiés dans la province chinoise du Yunnan.
" L'instabilité sur la frontière a provoqué un changement de la politique birmane de la Chine ", analyse l'expert birman Win Min, professeur à l'université thaïlandaise de Chiang Mai.
Pour la première fois, Pékin avait ouvertement critiqué son peu recommandable " allié ", le priant vertement d'assurer la sécurité sur la frontière. C'est ce que le premier ministre Wen vient de répéter à son homologue birman, Thein Sein.
Durant les émeutes de Rangoon, à l'automne 2007, la Chine s'était inquiétée de la situation. Mais pour Pékin, l'important n'est peut-être pas tant le genre de régime au pouvoir chez son voisin que la capacité de ce dernier à maintenir la stabilité politique.
La junte militaire est souvent un embarrassant voisin : le sénateur démocrate américain Jim Webb, pourtant opposé à des sanctions contre la Birmanie, a annulé jeudi in extremis sa visite au Myanmar, affirmant que " le gouvernement birman travaille conjointement avec la Corée du Nord pour développer un programme nucléaire ".
Bruno Philip
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