jeudi 24 juin 2010

Pétrole : la Chine va assurer près de la moitié de la croissance de la demande mondiale

Les Echos, no. 20705 - Industrie, jeudi, 24 juin 2010, p. 28

La Chine devrait voir sa consommation de pétrole bondir de plus de 7 % cette année pour atteindre plus de 9 millions de barils par jour. Le pays va également devenir un acteur de premier plan dans le gaz. Sa consommation devrait dépasser celle de l'Allemagne et du Royaume-Uni dès cette année.

La Chine prend de plus en plus de poids sur la scène énergétique mondiale. Selon les estimations de l'Agence internationale de l'énergie (AIE), l'empire du Milieu va assurer à lui seul près de 40 % de la croissance de la demande de pétrole cette année. La Chine, qui représente environ 10 % de la consommation mondiale de pétrole (contre près de 20 % pour les Etats-Unis), devrait voir sa consommation d'or noir grimper de 7,6 %, pour atteindre un volume de 9,2 millions de barils par jour. En comparaison, les pays de l'OCDE vont conserver une consommation quasi stable (- 0,1 %), faute d'un véritable redémarrage de leur économie.

Au total, la demande mondiale de pétrole devrait progresser en moyenne de 1,4 % par an, soit 1,2 million de barils par jour, jusqu'en 2015, selon les projections dévoilées hier par l'AIE. Les prix, eux, devraient légèrement progresser. En moyenne, le baril passerait de 76 dollars cette année à 85 dollars en 2015.

« Dans le domaine du pétrole ou du gaz, nous observons une dichotomie remarquable entre les pays de l'OCDE et les pays émergents, avec une forte croissance en Chine, en Inde et au Moyen-Orient et une demande faible ou stable dans les autres régions, notamment en Europe », a expliqué hier le directeur général de l'Agence internationale de l'Energie (AIE), Nobuo Tanaka.

Premier marché automobile de la planète, devant les Etats-Unis, depuis 2009, la Chine tourne, elle, à plein régime. La demande de carburants s'envole, soutenue par l'augmentation des revenus par habitant dans les zones urbaines et par l'importance de la population du pays.

Sécuriser l'approvisionnement

A l'avenir, cet effet de levier va s'accentuer. La consommation chinoise devrait s'élever à 11,6 millions de barils par jour à l'horizon de 2015, contre un peu plus de 9 millions cette année, selon l'AIE. « A cette date, la Chine pourrait représenter à elle seule près de la moitié de la croissance de la demande mondiale », explique David Fyfe, en charge des équipes pétrole à l'AIE.

Cette montée en puissance de la Chine sera également visible dans le raffinage. Selon l'Agence internationale de l'énergie, le pays devrait mettre en service près de 3,3 millions de b/j de capacités supplémentaires d'ici à 2015. Soit plus du tiers des volumes prévus dans le monde. Pour cela, les poids lourds chinois comme PetroChina, Sinochem ou Sinopec vont s'appuyer sur des partenariats avec le russe Rosneft, le sud-américain PDVSA ou le koweïtien KPC. Après 2015, ExxonMobil, Shell et Saudi Aramco devraient également démarrer de nouvelles installations, ajoutant ainsi quelque 640.000 barils par jour de capacités supplémentaires. Pour les compagnies chinoises, ce type d'accord permet de sécuriser l'approvisionnement tout en assurant à des compagnies nationales comme Aramco ou PDVSA un enlèvement garanti.

Dans les années à venir, la question de l'approvisionnement sera de plus en plus stratégique pour la Chine. Selon les estimations de l'AIE, la production de pétrole du pays devrait en effet rester quasi stable d'ici à 2015, à 3,7 millions de b/j, en dépit d'un pic en 2012. La production offshore chinoise va nettement augmenter d'ici à cinq ans, mais cette hausse sera compensée par le déclin des plus grands et des plus anciens gisements du pays comme Daqing et Shengli.

Dans le gaz, la Chine va également devenir un acteur de premier plan. Ces dernières années, le pays a augmenté sa consommation de 10 milliards de mètres cubes par an. En 2009, il a utilisé plus de gaz que l'Italie. Sa consommation devrait dépasser celle de l'Allemagne et de la Grande-Bretagne dès cette année. Voire même peut-être celle du Japon. Si ce scénario se confirme, la Chine consommera alors plus de gaz que n'importe quel pays de l'OCDE, à l'exception des Etats-Unis.

A l'échelle mondiale, cette montée en puissance va poser de plus en plus de problèmes aux analystes parce qu'elle rendra leurs estimations de moins en moins fiables. Les données chinoises sur les stocks de pétrole ou les capacités de raffinage manquent en effet de transparence, et les chiffres sur la croissance suscitent aussi beaucoup d'interrogations. Dans ce contexte, il deviendra de plus en plus difficile pour les industriels du secteur de bâtir des scénarios rigoureux. De quoi inciter à la prudence dans les années à venir.

EMMANUEL GRASLAND

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