Bien décidée à se faire une place au soleil, l'agence chinoise de notation financière Dagong Global Credit Rating se soucie peu d'être " fair-play ". A toutes les occasions, la nouvelle venue du secteur tire à boulets rouges sur ses consoeurs occidentales. La crise financière, Standard & Poor's (S & P), Moody's et Fitch l'ont provoquée par leur incapacité à déceler la toxicité des fameux subprimes, critique ainsi le patron de Dagong dans le Financial Times, jeudi 22 juillet. " Elles n'ont pas averti correctement des risques, au point d'entraîner l'ensemble du système financier américain au bord de l'effondrement ", accuse Guan Jianzhong.
Le même reproche a souvent été adressé par les autorités politiques et les régulateurs au trio qui détient 95 % du marché. M. Guan pousse le blâme un peu plus loin. " Les agences de notation occidentales sont politisées et très idéologiques et elles ne se tiennent pas à des critères objectifs ", affirme-t-il. Ainsi, par conformisme ou peur du scandale, aucune n'oserait retirer aux Etats-Unis son sacro-saint " AAA ", la meilleure note possible.
Dagong ne s'embarrasse pas de telles pudeurs. L'agence, fondée en 1994 et qui détient 25 % du marché chinois de la notation d'entreprises, s'est offert une belle publicité en dévoilant, mi-juillet, sa première liste de notes par pays. La dette américaine y est rétrogradée de deux crans, à " AA "... La France se voit aussi ôter le précieux sésame, remplacé par un déshonorant " AA- ". La Chine fait mieux, avec un " AA+ ", supérieur au " rating " que lui octroient Moody's et les autres. Un traitement de faveur ? Jamais, au grand jamais !, se récrie Dagong. La société, privée, dit analyser le potentiel de croissance des Etats ainsi que leur capacité à générer des recettes fiscales. Et souligne qu'elle émet ses avis en toute indépendance.
C'est pourtant au siège de la très officielle et très gouvernementale agence de presse Chine nouvelle (Xinhua) qu'elle a divulgué son classement de notations souveraines. Lequel lui valut d'ailleurs un éditorial enthousiaste. " S & P ainsi que Moody's et Fitch attribuent à la Chine une note inférieure à une Espagne vérolée par la dette ", s'indigne Xinhua, félicitant Dagong pour sa tentative de briser " un monopole établi de longue date ".
La petite dernière voit les choses en grand. Avec la bénédiction du ministère des finances chinois, elle veut se développer à l'échelle mondiale. Pour Pékin, la Chine est le premier créancier du monde et devrait avoir son mot à dire sur la manière dont sont notés les Etats.
Mais Dagong parviendra-t-elle à ses fins ? Les analystes en doutent... tout en admettant les bizarreries de la hiérarchie des risques établie par les grandes agences. Au vu du colossal endettement des Etats-Unis, " un investisseur extraterrestre débarquant de l'espace pourrait, en jetant un simple coup d'oeil sur les comptes américains, conclure qu'il s'agit d'un Etat émergent et préférer acheter de la dette indonésienne ", ironise l'éditorialiste de l'agence Bloomberg William Pesek.
Marie de Vergès
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