jeudi 8 juillet 2010

En Chine, c'est l'Etat qui pilote la recapitalisation des banques

Le Monde - Economie, vendredi, 9 juillet 2010, p. 14

Le point de vue des chroniqueurs de l'agence économique Reuters Breakingviews

L'Etat chinois se livre à un curieux tour de passe-passe pour renforcer le capital de ses banques. En effet, les cinq plus grands établissements de crédit du pays sont en train de lever 57 milliards de dollars (45 milliards d'euros) pour se mettre en conformité avec des ratios de fonds propres plus stricts. Et si les fonds seront en partie apportés par des investisseurs extérieurs, ils proviendront aussi... desdits établissements eux-mêmes.

On a cru au départ que les banques solliciteraient essentiellement la place de Hongkong. Les 57 milliards comprennent les émissions de titres de Bank of China, d'ICBC, de China Construction Bank (CCB) et de Bank of Communications et la prochaine introduction en Bourse d'Agricultural Bank (Agbank). Mais les tensions sur les marchés ont fait naître la crainte que les investisseurs ne manifestent qu'un enthousiasme modéré, qui les conduirait à se montrer sélectifs et, par exemple, à préférer mettre de l'argent dans ICBC plutôt que dans Agbank.

La méthode a donc apparemment été changée. Bank of China a décidé de répartir son émission de 8,9 milliards de dollars entre Hongkong et Shanghaï et il se dit qu'ICBC penserait à faire de même pour 10 milliards. Le procédé soulagerait la pression mise sur le marché de Hongkong.

Mais comme le gouvernement chinois détient la plupart de ses participations dans les banques nationales sur la place de Shanghaï, cela signifie que Pékin va devoir mettre la main à la poche pour fournir 40 % de l'ensemble des capitaux recherchés.

La charge va surtout peser sur Central Huijin, le fonds public dans lequel sont logés la majorité des intérêts que le gouvernement a pris dans les établissements bancaires. Lequel gouvernement a déjà annoncé qu'il suivrait les augmentations de capital.

Le problème, c'est que Central Huijin se trouve à court de liquidités. Pour pouvoir acheter les titres, il va probablement émettre lui-même un emprunt obligataire, pour un montant que Reuters estime à 18 milliards de dollars. Les banques vont donc prêter à l'Etat pour qu'il puisse acquérir une partie de leurs propres actions.

Un grand pas... en arrière

Tout ce schéma donne le tournis. Certes, il a l'avantage de garantir que les banques trouveront bien les capitaux dont elles ont besoin. L'Etat chinois envoie ainsi de cette manière un message très clair : il ne laissera pas les établissements bancaires nationaux partir à la dérive de sitôt. Mais d'un autre côté, en suivant les augmentations de capital par le truchement d'un montage aussi alambiqué, il confirme aussi que les établissements en question ne sont que marionnettes entre ses mains. Voilà qui a tout l'air d'un grand pas... en arrière.

John Foley

(Traduction de Christine Lahuec)

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