lundi 25 octobre 2010

G20 : Washington prend Pékin à revers - Sébastien Falletti

Le Figaro, no. 20599 - Le Figaro Économie, samedi, 23 octobre 2010, p. 21

Laissant de côté les attaques sur la sous-évaluation du yuan, le secrétaire américain au Trésor s'est retourné contre les surplus commerciaux des grandes puissances exportatrices.

Face à la Chine, arc-boutée sur la défense du yuan faible, les États-Unis changent leur fusil d'épaule. À trois semaines du sommet du G20 de Séoul, Timothy Geithner a décidé de prendre Pékin à revers pour le forcer à réévaluer sa monnaie. Hier, à l'ouverture de la réunion des ministres des Finances des vingt plus grosses économies du monde à Gyeongju, en Corée du Sud, le secrétaire au Trésor américain s'en est pris aux grandes puissances exportatrices en proposant d'imposer des limites chiffrées à leurs surplus commerciaux.

« Les pays du G20 ayant des excédents persistants doivent entreprendre des réformes structurelles, budgétaires et de politiques de taux de change pour renforcer les sources intérieures de croissance et soutenir la demande mondiale », a écrit Tim Geithner dans une lettre transmise à ses partenaires. Mais il s'est gardé de nommer directement la Chine. Les diplomates américains ont simplement mentionné une possible limitation du niveau des excédents commerciaux des pays du G20 à 4 % du PIB d'ici à 2015.

Cette nouvelle approche a été appuyée par la délégation française menée par Christine Lagarde, mais a déclenché une levée de boucliers au sein des pays du G7. « C'est irréaliste » a affirmé le ministre japonais des Finances, Yoshihiko Noda, en dénonçant l'idée d'une cible chiffrée. L'Allemagne, également à la tête d'un important surplus commercial, s'est directement sentie visée et a rejeté en bloc la proposition américaine.

« Geithner a tenté un coup de bluff, il sait qu'il n'a aucune chance d'aboutir », estimait un diplomate de l'Union européenne. Mais la réaction prudente des grands émergents et le silence du principal accusé, la Chine, peuvent laisser penser qu'un compromis reste possible.

Le spectre d'un échec

La proposition de Geithner pourrait ouvrir la porte à un accord avec Pékin contournant la question des taux de change. Si Washington, après avoir pilonné sans résultat la sous-évaluation du yuan pendant des mois, reporte ses efforts sur la question des surplus commerciaux, c'est qu'il a déjà testé discrètement cette stratégie auprès de Pékin. Et les Américains caressent l'espoir de réussir une percée avant le G20. La Chine, en effet, qui cherche à recentrer son développement économique sur son marché intérieur mais refuse de céder à la pression internationale sur sa monnaie, pourrait trouver dans cette proposition une porte de sortie.

Hanté par le spectre d'un échec de « son » sommet de Séoul, le président sud-coréen, Lee Myung-bak, s'est déplacé en personne à Gyeongju pour exhorter les ministres à avancer. « Si vous ne trouvez pas un compromis, nous couperons les moyens de transport pour vous empêcher de rentrer chez vous! » a-t-il averti en forme de boutade.

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