La guerre des monnaies menace le commerce mondial
Questions à Bei Xu, analyste spécialiste de la Chine chez Natixis
La banque populaire de Chine a annoncé, mardi 19 octobre, qu'elle relevait ses taux directeurs d'un quart de point. Certains analystes ont cru y voir la concrétisation d'un accord confidentiel entre Washington et Pékin. Mais pour Bei Xu, chez Natixis, cette décision a surtout des visées internes : l'inflation a culminé en septembre à son plus haut niveau en deux ans (3,6 %), selon le Bureau des statistiques, jeudi. Pékin a annoncé que la croissance a été de 9,6 % au troisième trimestre, contre 10,3 % au deuxième.
En relevant ses taux, la banque centrale cherche-t-elle à envoyer un message de conciliation à l'approche du sommet du G20 ?
Non, la hausse des taux d'intérêt n'a, selon moi, pas de visées extérieures mais répond plutôt à des inquiétudes internes : la Chine veut d'abord maîtriser l'inflation. Elle constate que les mesures restrictives prises jusqu'ici sont restées sans effet sur la hausse des prix de l'actif et de l'immobilier. Or ce qui intéresse d'abord les partenaires commerciaux de la Chine, dont les Etats-Unis, c'est l'évolution du taux de change du yuan. Washington veut voir les signes tangibles d'une réévaluation.
Mais la décision de la banque centrale n'est-elle pas susceptible d'accélérer l'appréciation du yuan vis-à-vis du dollar ?
Bien sûr, normalement, quand on relève les taux d'intérêt, cela peut avoir un impact sur l'appréciation de la monnaie. Mais la situation de la Chine est particulière puisqu'elle a le contrôle des capitaux. Et si la banque centrale souhaite freiner ces pressions à la hausse du yuan, elle peut le faire de son plein droit.
N'y a-t-il pas, tout de même, un léger apaisement, ces derniers jours, entre les Etats-Unis et la Chine sur la question du yuan ?
Oui, les critiques américaines se sont un peu calmées. Quand ils ont annoncé qu'ils reportaient la publication du rapport du Trésor sur les devises, les dirigeants politiques américains se sont dits encouragés par les derniers gestes de Pékin. Depuis le mois de juin, l'appréciation du yuan vis-à-vis du dollar a été de presque 3 %, ce qui fait 8 % en rythme annuel. C'est quand même déjà assez rapide, même si on ne peut exclure que la Chine ait accéléré ce mouvement récemment en prévision du sommet du G20 [11 et 12 novembre].
Mais au moindre signe d'une nouvelle dépréciation du yuan, ou même d'une stagnation, Washington refera pression sur Pékin. Mais on peut penser qu'il ne se passera pas grand chose d'ici le G20. Les Etats-Unis se cherchent d'abord des alliés prêts à les appuyer.
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