Le point de vue des chroniqueurs de l'agence économique Reuters Breakingviews
Deux jours avant que l'on prenne connaissance, jeudi 21 octobre, de la résurgence de l'inflation, la Banque populaire de Chine a créé la surprise en relevant ses taux. Les marchés ont d'abord vendu massivement, pour ensuite se reprendre. Les politiques monétaires faites de mesures chocs inattendues ont de moins en moins d'impact. Il est temps pour la Chine de changer de méthode pour combattre la hausse des prix en présentant un plan d'action clair. Les dirigeants chinois aiment jouer du mystère. Personne n'avait vu venir cette hausse, la première en trois ans, et la banque centrale est restée muette quant à ses motivations. Après coup, on ne peut l'expliquer que par la publication d'un chiffre de l'inflation supérieur à l'objectif fixé (3,6 %). La banque centrale n'a pas non plus indiqué pourquoi elle avait rompu avec son habitude de repositionner ses taux par tranche de 27 points de base.
Miser sur l'effet de surprise et sur l'impassibilité peut rapporter gros. Le problème, c'est que lorsque les investisseurs voient dans la politique monétaire une opportunité de pari, leurs ordres s'additionnent à ceux des spéculateurs. Les communiqués ont souvent lieu à des moments improbables, et parfois ils précèdent la publication des informations qui les justifient. La Réserve fédérale américaine procède autrement. Elle modifie rarement ses taux en dehors de ses réunions ordinaires, et émet des signaux avant-coureurs clairs.
La façon de faire chinoise présente des risques. Les investisseurs peuvent mal interpréter le message : cette semaine, certains ont pensé que la hausse de taux n'était qu'une mesure ponctuelle, tandis que d'autres estiment que ce n'était que la première d'une série. Or l'incertitude liée aux politiques gouvernementales accroît le coût du capital pour les entreprises. Et les annonces surprises ne sont pas toujours suivies de réactions. En juin, lorsque la banque centrale s'était engagée à rendre le taux de change plus flexible, le yuan était resté quasi stable pendant deux mois, au grand dam de certains partenaires commerciaux.
Lutte contre l'inflation
En outre, les mesures de choc ont tendance à perdre en efficacité sur la durée. Pendant que la Banque populaire s'inquiète de l'inflation, le taux d'intérêt réel servi sur les dépôts reste négatif, et l'immobilier ne se calme pas. Comme le marché ne croit pas que les dirigeants donneront un tour de vis spectaculaire qui sacrifierait la croissance, le prix des actifs reste orienté à la hausse.
Les responsables chinois ont peut-être, de plus, d'excellentes raisons de se montrer peu loquaces. Il est possible que le Parti n'ait pas trouvé de consensus sur les questions fondamentales. Certaines décisions sont aussi prises pour des raisons qui seraient impopulaires ailleurs, notamment lorsqu'elles affectent la compétitivité à l'exportation. Il peut se révéler utile de cultiver le mystère quand on lutte contre l'inflation mais l'exposé d'un plan d'action clair constitue une méthode plus efficace.
Wei Gu
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