Réplique au " Bloc-Notes " de Jean-François Kahn
Le débat intellectuel suppose un minimum de bonne foi. Votre feuilletoniste vedette en est-il capable ?
Je suis habitué, depuis des années, à être diabolisé par Jean-François Kahn. Aussi lis-je, le sourire aux lèvres, les innombrables papiers où il me peint en comploteur chef de la pensée unique et de la bourgeoisie. Le combat politique donne des droits et, même si Kahn les pousse jusqu'à l'extrême, c'est la règle du jeu. Mais son " Bloc-notes " à propos de mon dernier livre* est d'une autre nature. Le débat intellectuel suppose moins de mauvaise foi que la joute politique.
Je laisse de côté les attaques sur mes complicités avec le camp de l'argent venant d'un homme qui connaît les puissants plus qu'il ne veut le laisser penser.
Je ne supporte pas, en revanche, l'arrogance vindicative d'un feuilletoniste qui se drape derrière le genre du bloc-notes anobli par Mauriac pour se griser d'attaques ad hominem.
Et surtout je n'admets pas que, prétendant m'avoir bien lu, Kahn déforme mon propos pour me transformer en publiciste d'extrême droite. Ainsi fait-il semblant de croire que je compare Hugo à Guizot, alors que je mets en exergue le premier Hugo, courtisan des Bourbons et des Orléans par rapport à Lamartine, injustement sous-évalué. Ainsi se scandalise-t-il de me voir rappeler les mots antisémites de Jaurès, qu'il se plaît, lui, à qualifier de " quelques piques contre la grande bourgeoisie juive ". Ainsi réduit-il mon propos sur Sartre, sa guerre minable et ses volte-face des années 50 au fait que je remarque sa tendance à " se vautrer dans l'argot ". Ainsi me pense-t-il assez bête pour faire de Prévost-Paradol mon idole. Ainsi me prête-t-il - péché ultime - la haine des Misérables, alors que j'écris entre autres : " Hugo est l'inventeur d'un genre, le roman instrument de combat politique, qui connaîtra comme héritier le plus caricatural le réalisme socialiste. C'est une novation dans l'univers des lettres. Jamais Dickens n'assignera une finalité politique à David Copperfield. " Ce propos peut être discuté, contesté, mais le transformer en manifestation de haine, non et non !
Au fond, Kahn n'est pas celui que l'on croit. Ne pas idolâtrer Voltaire est un crime, ne pas encenser Condorcet, une preuve de bêtise, ne pas crier d'admiration devant l'homme politique Chateaubriand, une manifestation de superficialité. Kahn a, devant les valeurs établies, la déférence d'un membre du Rotary d'Angoulême. De nous deux, le plus bourgeois et le plus conformiste n'est pas celui que le lecteur de Marianne pourrait croire.
* Une histoire politique d'intellectuels, Grasset, 416 p., 21,90 €.
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