Les pays dépendant des exportations chinoises de terres rares s'inquiètent. Après le Japon, les acheteurs américains de ces 17 métaux utilisés dans la production des véhicules électriques, des téléphones portables, des lasers mais aussi dans l'industrie de défense, par exemple pour les radars de Lockheed Martin, constatent un blocage des livraisons en provenance de la Chine.
Cette dernière assure 97 % de la production mondiale depuis que d'autres pays, au premier rang desquels les Etats-Unis, ont ralenti ou abandonné l'extraction de terres rares, que la Chine fournit à bas prix et malgré le coût environnemental. Elle ferme les vannes, d'abord à l'encontre de pays avec lesquels elle entretient des relations difficiles, tout en continuant, dans le discours officiel, de soutenir que rien n'a changé.
" Il n'y a pas d'embargo formel mais les cargaisons sont bloquées en douane côté chinois ", explique Jeff Green, un lobbyiste de Washington qui défend les intérêts des industriels utilisant des terres rares.
Selon lui, plusieurs théories circulent dans les milieux d'affaires américains pour expliquer le blocage. L'adoption de mesures de représailles à l'encontre des Etats-Unis, qui accusent Pékin de subventionner les technologies vertes contre les règles du commerce international, en est une. Mais la plus pertinente, estime M. Green, est celle d'un tarissement des quotas d'exportation fixés par le gouvernement chinois.
Soucieuse de conserver des réserves, dont elle estime qu'elles pourraient s'épuiser dans quinze ou vingt ans à ce rythme, et de satisfaire une demande locale croissante, la Chine a annoncé en juillet une réduction de 40 % de ses exportations de terres rares pour l'ensemble de l'année, selon China Chemical Industry News, ce qui équivaudrait à une chute de 72 % pour le second semestre.
Certains Européens dans l'industrie constatent que l'adoption de ces quotas a perturbé l'approvisionnement mondial, tout en laissant paradoxalement bloquées en stockage des quantités de terres rares déjà extraites mais dont les quotas d'exportation ont été dépassés. Tous ne rencontrent cependant pas les mêmes difficultés.
Le quotidien officiel China Daily citait, le 18 octobre, une source au sein du ministère du commerce selon laquelle la Chine pourrait de nouveau réduire ses exportations de 30 % en 2011. L'information a été démentie par ce même ministère qui promet que la Chine " continuera de fournir des terres rares au monde " mais également " d'imposer des restrictions à l'extraction, à la production et à l'exportation " de ces métaux stratégiques.
Le premier ministre, Wen Jiabao (PHOTO), avait déjà assuré, mercredi 6 octobre, qu'il n'était pas question d'utiliser les terres rares comme " outil de négociation ". Comment expliquer alors que l'approvisionnement du Japon ait été suspendu, au moment même où les deux pays sont en froid après l'arrestation d'un marin chinois à proximité des îles Diaoyu, dont la souveraineté est disputée ?
" Probablement parce que les autorités ont amélioré la lutte contre la contrebande, le passage en douane a peut-être été ralenti ", estime Zhang Anwen, vice-secrétaire de la Société chinoise des terres rares, qui refuse d'évoquer les questions politiques mais retient néanmoins qu'elles sont souvent mêlées à celles touchant à l'économie.
Malgré les demandes répétées de Tokyo, l'approvisionnement n'est toujours pas rétabli et seuls deux importateurs japonais sur trente se sont vu livrer les métaux depuis le mois de septembre, selon le quotidien nippon Asahi. Le Japon s'interroge donc sur les alternatives et prépare un accord avec le Vietnam afin d'y ouvrir de nouvelles mines.
L'Allemagne annonce vouloir développer elle aussi des partenariats avec d'autres pays producteurs tandis qu'aux Etats-Unis, la mine de Mountain Pass, qui fut un temps la première de la planète et avait été fermée en 2002 par manque de rentabilité et à la suite de pollutions toxiques, sera relancée en 2011.
Harold Thibault
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