Les ventes ont atteint 32 millions d'euros lors du Salon Fine Art Asia, 40 % de plus qu'en 2009
La maison de ventes Sotheby's avait fait du tableau Naissance de la république populaire de Chine (1992), du peintre chinois Zhang Xiaogang, son porte-étendard pour la catégorie « Art asiatique contemporain » de sa grande vente d'automne, début octobre à Hongkong.
L'estimation haute pour l'oeuvre était de 2,1 millions d'euros. Le tableau a finalement été adjugé pour plus du double (4, 7 millions d'euros), signe de l'engouement dont bénéficie à nouveau l'art contemporain chinois, après une année 2009 d'accalmie.
Le lendemain, dans une vente aux enchères voisine Bestiaire et musique, une oeuvre de Marc Chagall se vendait près de 3 millions d'euros. Il n'est plus rare de voir les prix d'artistes chinois jeunes ou contemporains dépasser ceux des « vieux » maîtres occidentaux.
Pourtant, en 1998, quand Christie's avait monté une vente à Londres sur les artistes asiatiques d'avant-garde, à peine 20 % des lots avaient été vendus. « Les prix étaient en moyenne quarante fois inférieurs au marché actuel. Pour certains cas particuliers, on arrive à des prix multipliés par cent depuis ! », indique Eric Chang, l'expert en chef des tableaux contemporains chinois chez Christie's.
C'est donc avec un optimisme certain que de nombreux galeristes occidentaux ont tenté leur chance au Salon Fine Art Asia, qui s'est tenu du 3 au 6 octobre. Malgré le calme qui régnait dans les allées, les ventes ont atteint environ 32 millions d'euros, soit 40 % de plus qu'en 2009.
« Peu de visiteurs, mais une très forte proportion de collectionneurs, c'est l'inverse de la HKArt [Salon d'art contemporain qui a lieu en mai] », constate Edouard Malingue qui vient d'ouvrir une galerie à Hong-kong avec une exposition Picasso de 17 tableaux et 23 dessins. « A Londres ou à New York, j'aurais été parmi les derniers. Ici, je suis parmi les premiers. Mais le public n'est pas encore préparé... », dit-il.
Quelques grands noms du marché de l'art, comme Sundaram Tagore ou Ben Brown, ont déjà pignon sur rue. D'autres y arrivent à grands pas : l'Américain Larry Gagosian, le plus grand marchand d'art contemporain du monde, ouvre une galerie prochainement.
Pourtant bien que les affaires soient bonnes, très bonnes même, à Hongkong, les grands marchands trépignent aux portes de la « vraie » Chine. « Je cherche la clé qui m'ouvrira les portes de la «Cité interdite» », nous déclare François Curiel, président de Christie's pour l'Asie.
Selon un classement du Conseil des ventes, neuf des vingt plus grandes maisons d'enchères sont déjà chinoises. Et pour les ventes Asie, China Guardian et Beijing Poly ont déjà surpassé Christie's et Sotheby's. Autant dire que le duopole Sotheby's-Christie's, qui pour le moment a la main sur 80 % des ventes mondiales d'oeuvres d'art, est menacé.
En novembre 2009, un rouleau de 8 mètres de long de Wu Bin, de la dynastie Ming (1368-1644) s'est vendu pour le prix record de 17 millions d'euros. A la vente de juin, c'est un rouleau de 15 mètres de long de la période Song (960-1279) qui s'est vendu pour plus de 42 millions d'euros...
Reste que l'aventure en Chine continentale peut s'avérer un parcours d'obstacles. La Shanghai Art Fair a été un cauchemar pour certains galeristes, qui ont juré de ne plus s'y faire prendre : non seulement toutes leurs oeuvres ont été taxées à 35 %, mais certains tableaux sont restés sous douane pendant toute la durée du Salon. On parle aussi d'un contrôle très arbitraire du « contenu politique » des oeuvres...
En comparaison, Hongkong est un paradis. C'est un port franc, une ville marchande, où aucun recoin de la ville ne se prétend « artistique », étiquette désordonnée et vaguement subversive qui pourrait nuire au libéralisme qui y régit tous les marchés, y compris celui de l'art.
Il est néanmoins tristement ironique qu'une calligraphie sur coton d'un vieil excentrique graffitiste hongkongais, Tsang Tsou-choi, surnommé le « Roi de Kowloon », se soit vendue 44 000 euros pendant la récente vente Sotheby's, alors que la ville n'a pas su conserver dignement un seul des milliers de graffitis que l'homme a passé une vie entière à peindre « gratuitement » sur les murs, les poubelles ou les ferrys de la ville. L'un de ses derniers écrits a été recouvert par mégarde par un peintre de la municipalité..., qui pensait bien faire.
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