Shanghaï Tang ou Queelin veulent exporter le « made in China » sur les marchés occidentaux
Revendiquer haut et fort le « made in China » comme gage d'excellence n'est pas courant dans le domaine du luxe. Si l'Empire du milieu s'impose comme le moteur de ce secteur - le cabinet Bain & Co prévoit une croissance de 30 % en 2010 du marché du luxe en Chine, à 9,2 milliards d'euros - le nombre de marques de luxe chinoises n'excède toujours pas celui des doigts d'une main. Mais celles-ci ont désormais des visées mondiales.
Pionnière, la marque Shanghaï Tang - filiale du suisse Richemont - s'est imposée depuis 1994 en revendiquant haut et fort, depuis son quartier général de Hongkong, du prêt-à-porter haut de gamme, des accessoires, de la maroquinerie ou des bijoux « faits par des Chinois », qui utilisent une esthétique, des codes et un savoir-faire ancestral nés à Pékin ou Shanghaï. « Nous avons été les premiers à inventer une marque de luxe, basée sur la fierté d'être Chinois et qui puisse s'exporter », explique le Français Raphaël Le Masne de Chermont, président de Shanghaï Tang.
La marque joue sur deux tableaux : bien placée en Chine, elle compte surfer sur cette croissance hyperbolique; et souhaite renforcer son internationalisation pour crédibiliser son statut de maison de luxe mondialisée et éviter d'être considérée comme une marque locale exotique.
Les casquettes en velours brodées d'étoiles rouges ou les « qipaos » - ces robes fendues à col mao, imprimées aux tons vifs - se dénichent dans 42 boutiques dans le monde. « Notre volonté est de devenir leader en Chine et de doubler notre chiffre d'affaires mondial dans les trois ans qui viennent », explique M. Le Masne de Chermont. Il compte, d'ici là, porter à 70 le nombre de magasins, et pense en ouvrir un à Paris. Qui s'ajoutera à ceux de New York, Londres, Madrid, Francfort, Dubaï, Koweït et prochainement Moscou.
« Nous concentrons nos efforts en Chine, où nous commençons à nous implanter dans les villes de second rang [de plus de 5 millions d'habitants], où pour l'heure, nous ne pouvons être présents que dans d'immenses centres commerciaux de luxe ou dans les hôtels de luxe », dit-il, persuadé, « qu'un jour, la Chine deviendra le premier marché du luxe au monde ». Le cabinet PriceWater House fixe d'ailleurs cette échéance à 2015.
De nombreux groupes de luxe américains produisent déjà dans l'empire du Milieu. « La Chine n'a pas vocation à rester l'usine du monde. Les lois sociales et l'augmentation des salaires provoquent des délocalisations au Vietnam, au Laos, au Cambodge », dit-il. Shanghaï Tang sous-traite avec 150 usines, basées à Canton et Shanghaï, parfois dans le Nord, où les salaires sont plus faibles.
Diamants, saphirs et jade
Assez rapidement, la solution, pour les Chinois, sera de « créer davantage de marques de luxe », assure le patron de Shanghaï Tang. Comme l'a déjà fait la styliste Vivian Tan, qui vit entre New York et Hong Kong. Ou encore Guillaume Brochard, l'ex-PDG de la marque de montres Ebel, qui a fondé fin 2004, avec le directeur artistique Dennis Chan - un Sino-Britannique de Hongkong - une marque de joaillerie baptisée Qeelin. Avec un objectif ambitieux : « Créer des bijoux répondant aux mêmes standards de qualité que ceux vendus place Vendôme, tout en ayant une source d'inspiration culturelle chinoise », dit-il. Basé à Hong Kong, il « travaille avec des joailliers français implantés à Bangkok pour les diamants et les saphirs, des artisans spécialistes de jade à Hong Kong ». Rapidement présente dans six pays, la marque a ouvert sa première boutique en Chine en 2008, juste avant les Jeux olympiques. Et après Shanghaï et Pékin, elle compte se développer dans cinq grandes villes chinoises.
Les prix sont élevés, mais les bijoux, en forme de poissons rouges ou de coeurs de lotus constellés de diamants, ou encore de petits pandas ornés de 900 pierres précieuses plaisent aux Chinois fortunés, qui en moyenne dépensent davantage que dans les autres pays. L'entreprise vient de lancer une collection couture, dont les prix s'échelonnent entre 50 000 et 100 000 euros.
Goût du luxe partagé ? La femme de Guillaume Brochard, la styliste chinoise Qiong-Er Jiang, a inauguré mi-septembre sa boutique de luxe Shang Xi, la première entreprise chinoise du secteur non pas basée à Hongkong mais à Shanghaï. Financée majoritairement par le groupe Hermès - qui veut créer un « Hermès chinois », indépendant de sa maison-mère - la nouvelle griffe joue sur l'image de l'héritage de l'élégance, le design ultra-contemporain et propose des produits très haut de gamme. Des porcelaines tressées de bambou, des bijoux, des vêtements en feutre de cachemire ou encore des fauteuils en bois de rose. Tout est réalisé par les artisans détenteurs des meilleurs savoir-faire chinois. L'addition est des plus salées : 25 000 euros le fauteuil d'une splendide sobriété. Une expérience qui devrait, à terme, être exportée. A Paris, puis ailleurs.
Nicole Vulser
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1 commentaires:
C'est ShangXia!
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