mardi 26 octobre 2010

LVMH prend 17 % du capital d'Hermès - Florentin Collomp

Le Figaro, no. 20600 - Le Figaro Économie, lundi, 25 octobre 2010, p. 22

Le groupe de Bernard Arnault devient deuxième actionnaire de la plus convoitée des marques de luxe. Si cette arrivée se veut amicale, c'est une brèche ouverte dans l'unité de la société familiale depuis plus de 170 ans.

Après Boussac et Christian Dior, après Vuitton et Hennessy, après la bataille - perdue - face à Pinault sur Gucci, Bernard Arnault part à l'assaut d'Hermès. Le patron - et propriétaire à 47 % - du numéro un mondial du luxe LVMH (Vuitton, Moët & Chandon, Hennessy, Givenchy, Kenzo, Guerlain, Sephora...) a annoncé samedi, à la surprise générale, détenir 14,2 % du capital d'Hermès. Il dispose par ailleurs d'options pour porter rapidement à 17,1 % cette participation. Pour une société réputée imprenable, cette arrivée en force est un coup de maître.

Hier soir, Hermès a rétorqué : « l'actionnariat familial est, avec près des trois quarts du capital, largement majoritaire et parfaitement uni pour la poursuite d'un projet d'entreprise commun ». Le capital d'Hermès est détenu à 72 % par les 60 héritiers de la famille du fondateur. Le reste est en Bourse. La faiblesse de cette part publique du capital et le verrouillage du contrôle du groupe par la famille, via son statut de commandite, semblaient rendre difficile, voire impossible, toute velléité d'en prendre le contrôle. Cela n'a pas empêché la spéculation depuis cinq ans sur un désengagement des familles héritières, relancée par la mort, le 1er mai dernier, de l'ancien dirigeant Jean-Louis Dumas. Du coup, l'action s'est encore envolée de 90 % depuis le début de l'année, valorisant la société de la somme hallucinante de 18,6 milliards d'euros, soit 46 fois les bénéfices attendus cette année.

Or, avec sa grande habileté financière, Bernard Arnault a réussi à acheter ses actions Hermès à un prix moyen de 80 euros, contre 176 euros vendredi. Cela lui fait réaliser d'emblée une plus-value potentielle de 1,7 milliard d'euros, pour une mise de 1,45 milliard!

Comment a-t-il fait? Le mystère n'est pas tout à fait éclairci. LVMH aurait acquis un peu moins de 5 % du capital il y a plusieurs années, demeurant à dessein sous le seuil imposant une déclaration à l'Autorité des marchés financiers (AMF).

Pas de projet d'OPA

Le groupe aurait complété cette participation ces derniers jours, en achetant des blocs d'actions détenus par des intermédiaires financiers, via des véhicules d'investissement ad hoc. Cela lui aurait permis de ne pas avoir à se dévoiler avant son annonce fracassante, même si celle-ci se veut rassurante. « L'objectif de LVMH est d'être un actionnaire à long terme d'Hermès et de contribuer à la préservation du caractère familial et français qui est à l'origine du succès mondial de cette marque emblématique », précise le groupe dans un communiqué, en promettant « un soutien sans réserve à la stratégie menée par la famille fondatrice ».

Pour tenter de faire passer en douceur cette arrivée intempestive, dont il aurait averti les dirigeants d'Hermès juste avant de la rendre publique, Bernard Arnault fait montre d'intentions amicales. Ainsi, il « n'envisage nullement ni de présenter une offre publique d'achat, ni de prendre le contrôle d'Hermès, ni de solliciter de représentation au sein du conseil de surveillance ».

« C'est une énorme surprise, souligne Christian Blanckaert, ancien directeur général de la société. Bernard Arnault prend d'un coup les deux tiers de la part publique du capital. La question est : des membres de la famille l'y ont-ils aidé? » L'un des héritiers, Jérôme Guerrand, président du conseil de surveillance, a cédé récemment pour 4,14 millions d'euros d'actions (soit 0,02 % du capital). Une brèche semble ouverte dans la cohésion familiale.

Dans l'entourage de Bernard Arnault, on cherche à apaiser les polémiques. « Arrêtons d'être naïfs avec ces rivalités franco-françaises, implore Christophe Girard, directeur de la stratégie luxe de LVMH. Le vrai danger, c'est la Chine, qui s'est déjà offert une bonne partie de la Grèce dans l'indifférence générale. » Face à cet hypothétique péril, le sauveur du luxe français n'est en tout cas pas venu faire de la figuration chez Hermès.

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