Né en 1955 à Changchun, dans le nord-est de la Chine, de parents intellectuels et communistes (son père enseigne à l'université, puis dans une académie militaire), Liu Xiaobo fait partie de la première génération à entrer à l'université, en 1977 au sortir de la révolution culturelle. D'abord dans sa ville natale, puis dans la capitale, où il rejoint la prestigieuse université de Pékin en 1982, avant d'enseigner la littérature chinoise à l'Ecole normale supérieure en 1984.
Dans l'ébullition intellectuelle qui suit la politique d'ouverture lancée par Deng Xiaoping, Liu Xiaobo n'épargne personne dans des essais acerbes. En 1987, il part enseigner à Oslo, en Norvège, puis à New York, avant de revenir à Pékin au début des événements de Tiananmen. Ses efforts pour trouver une issue pacifique à la crise lui vaudront une certaine indulgence de la part du pouvoir, mais aussi la rancoeur de la fraction la plus radicale du mouvement démocratique en exil, qui considère vain de vouloir composer avec le Parti communiste.
Dans les années 1990, il s'engage sur une voie atypique, selon le sinologue Jean-Philippe Béja, spécialiste du mouvement démocratique chinois : il est en effet l'un des rares intellectuels à vivre de sa plume, essentiellement en publiant à l'étranger.
Il ne cesse de critiquer le régime de Jiang Zemin et de lancer des pétitions. En 1996, c'est la signature d'un appel demandant l'ouverture d'une nouvelle période de coopération entre le KMT taïwanais et le PC chinois qui le mène pour trois ans en camp de travail. Quinze ans après, c'est devenu la politique officielle...
En 1999, au sortir de cet emprisonnement durant lequel il a échangé de nombreux poèmes avec sa femme Liu Xia, Liu Xiaobo découvre Internet, " cadeau de Dieu à la Chine ", comme il l'a raconté en 2009 dans un essai célèbre où il évoque le temps d'avant sa libération, quand il devait parcourir Pékin en vélo pour pouvoir trouver un fax et envoyer ses articles à l'étranger. L'intellectuel est l'un des premiers à comprendre l'importance du " mouvement des droits " animé par des pétitionnaires et des avocats, qui pousse à des réformes partielles du système.
" Rempli d'optimisme "
La Charte 08, qu'il lance en 2008 avec le théoricien Zhang Zuhua, se présente comme une proposition pragmatique au parti, invité à mettre en place, au nom de la sacro-sainte stabilité, des contre-pouvoirs dans une société en développement rapide. Liu Xiaobo est arrêté la veille de la publication prévue du document, signé initialement par 300 intellectuels avant de recueillir près de 10 000 noms.
Son procès a lieu l'année suivante. " Liu n'a pas été condamné lors d'un procès ouvert et juste ", rappelle samedi 9 octobre un éditorial du quotidien hongkongais South China Morning Post, en réponse aux déclarations chinoises qui font de lui un " criminel " .
La sentence de onze ans de prison pour incitation à la subversion, tombe le jour de Noël 2009, ultime pied de nez aux Occidentaux qui appellent à sa libération.
Avant le verdict, l'accusé avait fait parvenir à la cour une déclaration : " Je suis rempli d'optimisme à l'idée qu'un jour la liberté régnera en Chine, car aucune force ne peut s'opposer au désir des hommes d'être libres . (...) J'espère que ces progrès se refléteront dans le procès qui m'est fait, et j'attends avec impatience le verdict de la Cour - un verdict qui puisse passer l'examen de l'histoire. "
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