Le chimiste français veut atteindre 2 milliards d'euros dans la région. Un objectif pour lequel il actionne trois leviers : la croissance organique, les acquisitions et l'innovation.
Rhodia participe à la frénésie de construction qui agite la Chine. A Zhenjiang, à 250 kilomètres au nord-ouest de Shanghai, les installations du chimiste français sont encore en chantier : terre retournée, échafaudages, réacteur couché dans l'herbe_ Visiblement, le matériel n'est pas flambant neuf. Mais la raison première n'est pas un souci d'économie : le groupe est en train de déménager son usine de Wuxi, à mi-chemin de Shanghai, rattrapée par l'urbanisation. « Finalement, cette contrainte est devenue une opportunité. La relocalisation nous coûte 20 millions d'euros, mais nous en profitons pour accroître nos capacités de 40 %. Zhenjiang doit devenir la plate-forme privilégiée du développement de Rhodia en Chine », explique Jean-Pierre Clamadieu, le PDG de l'entreprise.
Les sept réacteurs installés produiront des surfactants, utilisés par exemple dans les détergents et les cosmétiques, des marchés en forte croissance dans cette région du monde. Le groupe a d'ailleurs prévu la place pour trois réacteurs supplémentaires. « Il est évident qu'ils seront construits ! Ce pays a une telle confiance dans l'avenir que notre unité sera saturée dans cinq ans », assure Serge Villatte, représentant de Rhodia en Asie. Le chimiste est un des leaders mondiaux du secteur via sa filiale Novecare, qui a réalisé 827 millions d'euros de ventes l'an dernier, sur un total de 4 milliards. « Les marchés de la zone connaissent une croissance à deux chiffres. Globalement, nous tablons sur un doublement de nos ventes en Asie, à 2 milliards d'euros d'ici à 2015 », anticipe Jean-Pierre Clamadieu.
Les polymères de Jack Shi
La croissance interne n'y suffisant pas, Rhodia procède également par acquisitions. Novecare va ainsi profiter de l'achat, pour 489 millions de dollars, de Feixiang (« Les Echos » du 17 juin), qui doit être effectif d'ici à la fin de l'année. Basée à Zhangjiagang, sur les rives du Yangtze, l'entreprise a réalisé 220 millions de dollars (158 millions d'euros) de ventes l'an dernier. Elle a aussi connu une belle progression : au cours des cinq dernières années, son activité a augmenté en moyenne de 20 % par an et son excédent brut d'exploitation de 40 %. En achetant la société à Jack Shi, l'entrepreneur chinois qui l'a développée, Rhodia pourrait bien réaliser une opération à double détente. Car le groupe français lorgne déjà vers l'activité polymères du même industriel, qui pour le moment n'est pas vendeur. « Jack Shi ne cède que l'activité parvenue à maturité. Ses polymères représentent un chiffre d'affaires inférieur aux surfactants, mais ils intéresseront Rhodia un jour », confie une source proche du dossier. Idéalement, le groupe souhaiterait réaliser deux ou trois opérations de la taille de Feixiang. Sans s'interdire de désinvestir : il a toujours dans l'idée de céder son usine de paracétamol située à Wuxi pour parachever sa sortie de la chimie organique.
La réalisation des objectifs passe aussi par l'innovation, comme dans le domaine des silices, très utilisées dans les chaussures de sport et les pneumatiques. Pour le secteur automobile, Rhodia a mis au point des silices dites « à haute dispersibilité », qui permettent de réduire de 5 à 7 % la consommation de carburant des véhicules. Et pour faire face à la progression attendue de la demande (+ 54 % d'ici à 2015), le chimiste vient d'inaugurer une nouvelle usine de 72.000 tonnes à Qingdao, dans le Shandong, signant trente ans de présence dans le pays.
Laurence Bollack
0 commentaires:
Enregistrer un commentaire