lundi 29 novembre 2010

Chine-USA : guerre des nerfs en perspective - Julie Chauveau


Les Echos, no. 20814 - International, lundi, 29 novembre 2010, p. 7

Le gouvernement chinois a reconnu être le premier émetteur de gaz à effet de serre mondial. Le climat est devenu l'enjeu d'une guerre commerciale entre les deux pays.

Les négociations sur le changement climatique ressemblent au jeu des enfants « je te tiens, tu me tiens par la barbichette ». Sauf qu'à la place des enfants se trouvent les deux grandes puissances - l'Amérique et la Chine -qui représentent la moitié des émissions mondiales de CO2. En octobre dernier, à l'occasion de la dernière séance de négociation avant Cancún, le ton est monté. Le négociateur américain, Jonathan Pershing, s'est dit déçu devant l'absence de progrès sur la question du contrôle des émissions des pays. La réplique du diplomate chinois Su Wei a été immédiate : « Il n'est pas juste de critiquer les autres quand on ne fait rien », comparant les Etats-Unis à un « cochon qui se regarde dans le miroir ». Pékin, qui n'a pas d'obligations au titre du protocole de Kyoto, a promis de réduire ses émissions par unité de produit intérieur brut de 40 % à 45 % entre 2005 et 2020. Washington avait avancé un chiffre de 17 % de baisse de ses émissions d'ici à 2020, par rapport à leurs niveaux de 2005. Mais le Congrès a été incapable de voter une loi sur le climat, et les députés républicains nouvellement élus à la Chambre des représentants sont majoritairement climato-sceptiques. WRI, un des grands think tanks américains, a calculé qu'en l'absence de loi sur le climat mettant en place un marché carbone, l'administration pourrait au maximum réduire les émissions du pays de 14% sur la même période, ce qui représente un effort minimal si l'on compare aux niveaux de 1990, échelon choisi dans le cadre du protocole de Kyoto.

Signe de la montée en puissance diplomatique de la Chine sur le sujet, Pékin a reconnu officiellement, la semaine dernière, être devenu le premier émetteur de CO2 mondial. Mais n'a pas donné de chiffre officiel. Selon les estimations du pétrolier BP, la Chine aurait atteint 7,5 milliards de tonnes en 2009, soit une hausse de 9% par rapport à l'année précédente.

Accusation de dumping

Le bras de fer américano-chinois se transforme en guerre commerciale. Le grand syndicat américain de la sidérurgie, UAW, a demandé en septembre à son gouvernement d'ouvrir une enquête sur le dumping exercé par Pékin, qui a massivement financé la création d'une industrie verte, notamment pour produire des panneaux photovoltaïques en vue de les exporter vers les pays développés. Le syndicat souhaite que la question soit portée devant l'OMC.

Symboliquement, le quotidien « China Daily » a précisé ces derniers jours que le pays se prépare à établir un marché domestique du carbone durant son douzième Plan quinquennal (2011-2015), et qu'il a même étudié de près la manière de créer une fiscalité carbone, alors même que les Etats-Unis y ont renoncé.

L'enjeu, pour les pays désireux d'obtenir un accord à Cancún, est d'imposer aux deux grands une pression maximum pour les rallier enfin. C'est le but que s'est fixé le « groupe de Carthagène », qui réunit une vingtaine de pays, dont ceux d'Europe, le Bangladesh, le Chili, l'Indonésie, quelque Africains, les Maldives et la Thaïlande.

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