Le Monde - A la Une, lundi, 29 novembre 2010, p. 1
Changement climatique : duel Pékin-Washington à la conférence de Cancun
Un accord mondial sur le climat est-il encore possible ? Rien n'est moins sûr, si l'on en juge par le scepticisme, la prudence ou les réticences dont font preuve les 194 pays qui se retrouvent à Cancun (Mexique) à partir du lundi 29 novembre. Certes, les participants à cette 16e conférence des Nations unies sur le changement climatique sont soucieux d'éviter de donner le spectacle d'un nouvel échec, un an après celui de la conférence de Copenhague.
Mais c'est très loin d'être gagné, en dépit des alarmes redoublées de nombreux climatologues, inquiets de voir le changement climatique se produire plus vite que prévu. Les discussions préalables se sont peu à peu polarisées sur l'opposition entre la Chine et les Etats-Unis, sous les yeux d'une Europe impuissante. Derrière une controverse de méthode (doit-on privilégier un accord global a minima ou des accords partiels plus ambitieux), Pékin apparaît comme le porte-voix des pays émergents : ceux-ci considèrent que les pays riches doivent jouer un rôle moteur et s'engager les premiers.
De même, sur la scène française, Nathalie Kosciusko-Morizet, la nouvelle ministre de l'écologie, admet que l'image du Grenelle de l'environnement " s'est brouillée ". A ses yeux, le gouvernement a " beaucoup d'essais à transformer " dans les mois à venir, pour convaincre les Français que l'écologie reste réellement une préoccupation du gouvernement.
L'ouverture de la conférence se fera sans fanfare ni trompettes : la communauté internationale, toujours sous le choc de l'échec de Copenhague, en décembre 2009, se retrouve comme une famille déchirée qui ne sait plus trop si la rupture est provisoire ou non. L'ambition des douze jours de négociations auxquelles se joindront les ministres - et non les chefs d'Etat comme à Copenhague - sera donc d'éviter à tout prix de donner le spectacle d'un nouvel échec, qui serait ruineux pour tout le processus de coopération engagé depuis la Convention sur le changement climatique de Rio en 1992. L'espoir de voir l'" Accord de Copenhague " donner un nouveau cadre et une nouvelle dynamique à la négociation a en effet vite tourné court. Ce texte de la dernière heure, signé par une vingtaine de grands pays - sans avoir été adopté formellement par l'assemblée générale - n'est pas apparu suffisamment légitime. La majorité des pays du Sud, appuyés par les grands émergents (Chine, Brésil et Inde, pourtant signataires du compromis danois) ont ainsi très vite exigé de rester dans le cadre formel de l'ONU. Quitte à en supporter les lourdeurs et l'ineffi-cacité. Cette opposition entre une approche englobant tous les acteurs et des accords partiels jugés plus faciles à obtenir, est devenue un point de blocage principal pour l'avancée des négociations. L'Union européenne, traditionnel moteur des discussions, n'est pas parvenue à empêcher la montée de cette opposition. D'autant que la crise économique et financière a accentué, en son sein, les divisions sur la stratégie à tenir pour lutter contre le réchauffement. Sous le soleil de Cancun, c'est bien, comme à Copenhague, le face-à-face entre les Etats-Unis et la Chine qui va donner le " la " des discussions. Les Etats-Unis sont plus que jamais sur la défensive après l'échec de Barack Obama aux élections de mi-mandat en novembre. Corollaire : aucune loi sur le climat ne sera adoptée avant plusieurs années. Face à la paralysie de Washington, la Chine a beau jeu de se replier sur sa position traditionnelle : se posant en porte-parole des pays du Sud, elle exige que les pays riches soient les premiers à agir. Certes, Pékin reconnaît que son pays a dépassé les Etats-Unis en tant que premier émetteur de gaz à effet de serre. Mais comme l'a rappelé le 23 novembre un négociateur chinois, Xie Zhenhua, " les pays développés doivent jouer un rôle moteur dans les actions d'atténuation " du réchauffement, car ils en portent la responsabilité historique et que leur niveau d'émissions par habitant est très élevé. La situation paraît donc bloquée, alors que les engagements pris par les Etats sont loin de pouvoir assurer une hausse moyenne des températures limitée à 2 °C, comme le prescrivait l'Accord de Copenhague. La crise économique a à peine permis de ralentir le rythme des émissions : celles-ci n'ont baissé que de 1,3 % en 2009 et devraient à nouveau augmenter de 3 % en 2010, selon Global Carbon Project. Les négociations ne semblent plus portées par l'ambition commune de sauver cet objectif de deux degrés. L'approche " bottom-up ", du bas vers le haut, qui voit chaque pays mettre sa contribution sur la table - plutôt que de chercher un accord global s'imposant à tous, approche " up-down " - semble s'être imposée. Ce sera aussi un des enjeux de Cancun de voir si cette logique la vraiment emporté. Avec les quelques dossiers qu'il faudra à tout prix faire avancer pour sauver la crédibilité de l'ONU et éviter un nouveau fiasco. Hervé Kempf Derrière l'inertie des diplomates, une vive compétition économique Point positif : le déploiement des énergies renouvelables, clé de la lutte contre le changement climatique, progresse à grands pas quand la négociation piétine. Selon l'Agence internationale de l'énergie (AIE), 5 700 milliards de dollars d'investissements seront nécessaires d'ici à 2035 pour réaliser les plans de développement d'ores et déjà annoncés. " La Chine a maintenant émergé comme un leader pour l'installation d'éoliennes et de panneaux photovoltaïques, aussi bien que pour la fourniture de ces technologies ", note l'agence dans son rapport " World Energy Outlook " 2010. La Chine entend s'arroger la part du lion de ces nouveaux marchés. Trois compagnies chinoises figurent parmi les dix premiers fabricants d'éoliennes, quatre dans le " top ten " du photovoltaïque. Le Brésil espère lui aussi devenir un champion des énergies vertes, grâce à son potentiel hydroélectrique et à son avance dans les biocarburants. La Corée du Sud va investir 38 milliards d'euros d'ici à 2012 pour que le secteur des technologies vertes forme 22 % de ses exportations en 2020, contre 10 % aujourd'hui. Aux Etats-Unis, même si c'est moins le climat que l'indépendance énergétique qui préoccupe désormais Washington, un projet de loi pourrait bientôt obliger les compagnies à produire au moins 15 % de leur électricité à partir des renouvelables. Mais cette ruée sur le marché de l'énergie " verte " est aussi porteuse de risques. Celui, d'abord, de voir la guerre économique prendre le pas sur la coopération climatique. " On sent monter la tentation d'aborder la question du climat par les litiges commerciaux ", observe Emmanuel Guérin, à l'Institut du développement durable et des relations internationales. Plainte contre la Chine Les syndicats américains de l'acier veulent ainsi porter plainte contre la Chine auprès de l'Organisation mondiale du commerce (OMC) pour dénoncer le soutien de Pékin aux énergies renouvelables. L'adoption de taxes et de marchés carbone - la Chine pourrait tester les deux à partir de 2011 - pourrait aussi multiplier les litiges pour protectionnisme et faire de l'OMC un nouvel arbitre de la lutte contre le réchauffement. Le risque existe, ensuite, de considérer la négociation sur le climat comme superflue. Certains pays, au premier chef les Etats-Unis, sont tentés de déserter l'enceinte de l'ONU au profit d'une discussion sur les seules politiques énergétiques, au sein du G20 ou du Forum des économies majeures. Ce sera l'un des enjeux de Cancun de réaffirmer la légitimité du processus onusien. Grégoire Allix Les pays en développement en ont fait une exigence de principe : à Cancun, les pays industriels doivent s'engager à donner une suite au protocole de Kyoto, qui s'achève fin 2012. " Kyoto est la clé de voûte des négociations, il a une fonction d'icône pour les pays en développement ", souligne un négociateur européen. Leur argument : même si les Etats-Unis n'en font pas partie, même si les pays signataires ne représentent plus que le tiers des émissions mondiales, c'est le seul instrument international qui contraigne les pays industrialisés à réduire leurs émissions de gaz à effet de serre. " C'est un marchandage : il faut s'engager par écrit à prolonger Kyoto pour que les pays en développement acceptent d'entériner les principales décisions contenues dans l'accord de Copenhague ", résume l'ambassadeur français chargé des négociations climatiques, Brice Lalonde. Problème : en dehors de l'Union européenne, aucun pays signataire du protocole ne souhaite le prolonger. Le Canada ne veut pas en entendre parler, le Japon et la Russie y sont hostiles. " Il ne faudrait pas faire de Kyoto un club bruxellois ", prévient une négociatrice de la Commission. L'Europe saura-t-elle convaincre ses partenaires ? Rien n'est moins sûr. Elle avance divisée sur les contreparties à exiger des pays non signataires, dont les engagements se limitent à des promesses annexées à l'accord de Copenhague. L'Italie ne serait pas fâchée de se débarrasser du protocole. " L'Europe n'acceptera de prolonger Kyoto que si l'on règle les problèmes qui minent l'efficacité du protocole : les quotas excédentaires distribués à la Russie, les dérives du mécanisme de développement propre et la comptabilité des émissions de CO2 liées à la gestion de la forêt ", dit la commissaire européenne à l'action climatique, Connie Hedegaard. Autant de points de crispation en perspective. ENJEU 2 : Préserver les forêts tropicales Le plan de lutte contre la déforestation pourrait faire partie des avancées de Cancun. C'est de loin le dossier le plus " mûr ". La conférence de Copenhague, il y a un an, a adopté une décision actant la création d'un mécanisme récompensant les pays qui protègent ou étendent leurs superficies forestières. Mais il faut aller au-delà de cette déclaration de principe. C'est là que les discussions se tendent. REDD (Reducing Emissions From Deforestation and Degradation) - c'est le nom de ce mécanisme - est un monstre de complexité et, au fil des mois, les débats que l'on croyait tranchés ont été rouverts. Sur son champ d'application d'abord : faut-il récompenser la création de plantations en Chine ou en Inde au lieu de se concentrer sur la protection des forêts naturelles tropicales qui séquestrent les plus grandes quantités de carbone et abritent l'essentiel de la biodiversité terrestre ? Autre question : le financement de ce plan doit-il reposer sur des fonds publics, de nouvelles taxes ou s'articuler sur un marché de crédit-carbone forestier ? La Bolivie reste résolument hostile à cette troisième voie. Les pays riches devront affronter l'impatience des pays forestiers à qui près de 4 milliards de dollars ont été promis d'ici à 2012. Peu d'argent est arrivé sur le terrain, même si un pays comme la Norvège a conclu d'importants accords avec le Brésil et l'Indonésie. Personne ne s'attend à repartir de Cancun avec un accord opérationnel. Trop de questions restent à régler mais les pays forestiers veulent au moins davantage de visibilité alors que des efforts leur sont d'ores et déjà demandés. La récente mise en garde des Nations unies sur les risques de corruption liés à la mise en oeuvre de REDD ne va pas faciliter les discussions. L'enjeu est pourtant colossal : la déforestation génère plus de CO2 dans l'atmosphère que les transports. ENJEU 3 : Créer le futur " fonds vert " Les pays industrialisés se sont engagés, à Copenhague, en 2009, à verser 30 milliards de dollars sur la période 2010-2012 aux pays en développement pour les aider à s'adapter aux conséquences du réchauffement. La conférence de Cancun sera l'occasion de tirer un premier bilan du respect de cet engagement : les ONG dénoncent un recyclage de l'aide publique au développement et un usage répondant peu aux besoins des pays les plus vulnérables. Déminer ces critiques sera crucial : le versement de ces fonds est perçu par les pays en développement comme un test de la volonté des pays riches de s'impliquer dans des financements de long terme. Car à Cancun, les négociateurs devront surtout plancher sur un autre des engagements de Copenhague : mobiliser, à partir de 2020, pas moins de 100 milliards de dollars par an pour les pays en développement. La Conférence de Cancun devrait ainsi acter la création d'un " fonds vert " censé gérer cette manne. " Il y a un débat existentiel pour décider s'il faut créer ce fonds à Cancun puis réfléchir ensuite à son architecture, ou mandater un groupe pour concevoir le fonds hors de l'enceinte onusienne et ne le créer que dans un an, comme le souhaitent les Etats-Unis ", soupire un négociateur européen. Ce fonds doit-il voir transiter l'ensemble des financements ou n'être qu'un outil parmi d'autres; les pays bénéficiaires y seront-ils représentés au même titre que les pays donateurs, la Banque mondiale doit-elle y jouer un rôle prépondérant ? Les questions sont légion, alors même que nul ne sait comment mobiliser de telles sommes. Sur ce point, Cancun ne pourra, au mieux, que prendre note des pistes esquissées, le 5 novembre, par le groupe consultatif des Nations unies sur le financement de la lutte contre les changements climatiques.
Climat : quitte ou double à Cancun
L'heure n'est plus aux faux-semblants. Les 194 pays qui se réunissent à partir du lundi 29 novembre à Cancun, la célèbre station balnéaire mexicaine, pour la 16e conférence des Nations unies sur le changement climatique, doivent sortir des tergiversations et montrer qu'ils sont encore capables de faire un pas en commun pour construire un accord mondial sur le climat.
PENDANT les négociations, les affaires continuent. Derrière le blocage du processus onusien censé limiter l'ampleur du réchauffement, une féroce compétition se joue pour prendre la tête de l'" économie verte ". " L'Europe s'est positionnée tôt comme le leader de la lutte contre le changement climatique, mais d'autres régions du monde ont désormais des stratégies d'investissement dans une économie décarbonée ", note Christian de Perthuis, titulaire de la chaire " économie du climat " à Paris-Dauphine.ENJEU 1 : Sauver le protocole de Kyoto
Les dernières études scientifiques assombrissent le diagnostic
Les négociations de la conférence de Cancún (Mexique), qui doit s'ouvrir lundi 29 novembre, se fondent sur un diagnostic scientifique bien souvent obsolète. Celui-ci repose sur le dernier rapport du Groupe d'experts intergouvernemental sur l'évolution du climat (GIEC), rendu début 2007. Les nouvelles connaissances accumulées depuis dressent un tableau à bien des égards plus sombre.
Banquise arctique Les modèles utilisés dans le dernier rapport du GIEC prévoyaient une disparition de la banquise arctique estivale autour de la fin du siècle. Le retrait de la glace de mer s'est cependant brutalement accéléré depuis le milieu de la décennie. En septembre 2007, l'étendue de banquise a connu un minimum de 4,2 millions de km2, très inférieur aux quelque 6,5 millions de km2 relevés en moyenne à la même époque de l'année, entre 1979 et 2000. Des travaux récents menés à l'université de Washington suggèrent que la masse totale de banquise chute plus vite encore que son étendue : son épaisseur se réduit, elle aussi, à vitesse accélérée.
Aujourd'hui, nombre de spécialistes considèrent que la banquise arctique pourrait avoir disparu en été bien avant le milieu du siècle, voire dans la prochaine décennie.
Niveau de la mer L'élévation de la hauteur des océans est l'une des questions sujettes aux plus fortes incertitudes. En fonction des -scénarios de développement, le dernier rapport du GIEC tablait sur une élévation à la fin du siècle -comprise entre 20 cm et 60 cm environ.
Ces calculs ne tenaient pas compte du glissement des glaciers du Groenland et de l'Antarctique de l'Ouest dans la mer, alors nouvellement documenté. Or les dernières observations satellites montrent que ce phénomène s'accélère. Selon les récents travaux d'Isabella Velicogna (université de Californie à Irvine, JPL), les deux inlandsis perdraient actuellement à eux deux près de 500 milliards de tonnes de glace par an, près de deux fois plus que dans la première moitié de la décennie.
Les derniers travaux situent ainsi l'augmentation prévisible du niveau marin entre 50 cm et 150 cm environ en 2100, avec des disparités régionales importantes, dues à des phénomènes géologiques locaux.
Acidification des océans Domaine de recherche encore marginal au début des années 2000, l'étude de l'impact du CO2 sur la biologie des écosystèmes marins n'a pas été l'un des points forts du dernier rapport du GIEC. Les travaux les plus récents montrent qu'une part du CO2 produit par les activités humaines se dissout dans l'océan et en acidifie les eaux de surface.
Cette acidification fragilise les organismes dotés d'exosquelettes de calcaire (planctons, coquillages, etc.), plus ardus à former lorsque l'acidité augmente. Ses effets à moyen et long terme sont désormais l'objet de nombreuses recherches, la difficulté étant, selon Jean-Pierre Gattuso, chercheur au Laboratoire d'océanographie de Villefranche (CNRS, université Paris-VI), " d'évaluer sur la durée la capacité de ces organismes à s'adapter à ce phénomène ". L'ampleur des effets sur la biologie marine est très débattue. Une récente étude suggérant un effet massif sur le phytoplancton déjà intervenu depuis un siècle est en particulier au centre d'une vive controverse.
Stéphane Foucart
Stefan Rahmstorf : " L'inertie du climat rend les mesures plus urgentes " Stefan Rahmstorf est professeur d'océanographie physique à l'université de Potsdam, chef du département d'étude du système-Terre du Potsdam Institute et conseiller du gouvernement allemand sur le climat. A la veille de la conférence de Cancun, quels sont les éléments-clés qui doivent être portés à la connaissance des négociateurs et du public ? La chose la plus importante à avoir à l'esprit est que le changement climatique est en train de se produire plus vite que nous le pensions il y a quelques années. Le niveau de la mer s'élève substantiellement plus vite que les modèles ne l'ont dit dans le passé, la banquise arctique et les calottes glaciaires déclinent bien plus vite que prévu, etc. Etant donné l'inertie considérable du système climatique, est-il aussi urgent de s'entendre sur des mesures à prendre ? L'inertie du système rend les mesures encore plus urgentes. Pensez à un bateau immense, comme le Titanic par exemple, qui se dirige vers un iceberg : parce qu'il a une forte inertie et qu'il n'est pas aisé de le manoeuvrer, il faut réagir loin en amont pour éviter l'obstacle. L'inertie est une raison pour réagir encore plus rapidement. Selon des travaux publiés récemment dans Nature, nous pouvons nous permettre d'émettre 700 milliards de tonnes de carbone dans les prochaines quarante années en restant sous la limite des 2 °C d'augmentation des températures. Au rythme actuel des émissions, nous émettrions ce montant en une vingtaine d'années environ. Nous devons donc passer d'un régime d'augmentation des émissions à un régime de baisse des émissions d'ici cinq à dix ans. Sinon, nous aurons perdu la possibilité de maintenir le réchauffement sous la barre des 2 °C. Ces fameux 2 °C ont-ils un sens scientifique ? Ce n'est pas un résultat scientifique, mais une donnée utilisée par les politiques et fondée sur des résultats scientifiques. Par exemple, même si cette question est débattue, le risque d'une perte complète de la calotte glaciaire du Groenland dans le prochain siècle devient réel à partir d'une augmentation de température moyenne globale de 1,9 °C; la disparition de cet inlandsis correspond à une hausse du niveau de la mer d'environ 7 mètres. En 2009, vous aviez rédigé, avec un groupe international de climatologues, le " Diagnostic de Copenhague ", un rapport scientifique publié peu avant la conférence. Quels étaient le but et le cadre de ce rapport ? C'était une initiative indépendante, menée hors du cadre officiel des négociations ou du Groupe d'experts intergouvernemental sur l'évolution du climat (GIEC). Le but était de fournir une mise à jour de l'état de la science climatique puisque le dernier rapport du GIEC s'appuie sur la littérature scientifique publiée jusqu'à la mi-2006. Il y avait donc trois années supplémentaires de science qui manquait. Or dans notre domaine, plusieurs milliers d'études sont publiées chaque année. Cette initiative avait été interprétée par certains comme une volonté militante d'influer sur les négociations... Ce n'était pas le cas. Ce rapport ne faisait que synthétiser des travaux publiés. C'est notre rôle de scientifique non seulement de publier nos résultats, mais aussi d'en informer le public, qui paie pour cette science par le biais de ses impôts. Sur la question climatique, la place des scientifiques est souvent caricaturée dans les médias : on lit parfois que le GIEC demande ou exige une limitation du réchauffement à 2 °C. Le rôle des scientifiques n'est pas de décider quoi que ce soit mais, parfois, de faire des recommandations en tant qu'experts. © 2010 SA Le Monde. Tous droits réservés.
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