DOCUMENTAIRE EN INTÉGRALITÉ - "Pétain, un héros si populaire"

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Y a-t-il un " mystère " Pétain ? Léon Blum en était convaincu. " Il y a en lui un mystère que je ne peux pas pénétrer. Je ne peux pas m'expliquer à moi-même de façon satisfaisante quels ont été les mobiles vrais de ses actes ", expliqua l'ancien dirigeant du Front populaire au procès du vieux maréchal devant la Haute Cour, en 1945. Soixante-dix ans après l'avènement du régime de Vichy, c'est ce mystère que se proposent de dissiper deux documentaires, fort intéressants l'un et l'autre.

Leurs principes de réalisation diffèrent. Pétain, un héros si populaire, que diffuse France 3 le 15 novembre, est uniquement constitué d'images d'archives, colorisées pour l'occasion. Philippe Pétain, qui passera sur Arte le 24, met en regard les documents d'époque et la parole de quelques-uns des meilleurs spécialistes, français et étrangers. Comme Marc Ferro, auteur d'une biographie de l'ancien chef de l'Etat français (Fayard, 1987), Stéphane Audoin-Rouzeau, Gerd Krumeich et Leonard Smith, qui analysent avec finesse le rôle de Pétain pendant la première guerre mondiale, ou Denis Peschanski, Henry Rousso et Robert Paxton, qui évaluent sa marge de manoeuvre durant la seconde - importante de 1940 à 1942, puis plus faible après le retour de Pierre Laval au gouvernement en avril de cette année-là.

" HOMME PROVIDENTIEL "

Chacun des deux documentaires a ses points forts. En dépit de quelques inexactitudes, celui de France 3 est le plus complet sur la question de l'antisémitisme (lire ci-dessous). Le seul, aussi, à s'intéresser à la place occupée par Pétain dans la mémoire des Français après la mort de celui-ci à l'île d'Yeu en 1951. Celui d'Arte, quant à lui, analyse plus précisément la façon dont s'est constitué le mythe du " vainqueur de Verdun ". Il montre mieux, également, comment Pétain a manoeuvré dans l'entre-deux-guerres pour forger sa stature d'" homme providentiel ", cultivant avec habileté l'image du patriarche détaché des basses manoeuvres politiciennes.

Il rappelle enfin - élément souvent négligé - que Pétain avait eu le sentiment, en 1918, que la République ne l'avait pas suffisamment honoré. Seul grand soldat de 14-18 encore vivant dans les années 1930, après les disparitions des généraux Mangin, Fayolle, Foch et Joffre, il pouvait dès lors avoir le sentiment que sa revanche était à portée de main.

Celle-ci n'aurait pas eu lieu, toutefois, si Pétain n'avait joui d'une aura exceptionnelle. Les deux films insistent à juste titre sur ce point essentiel. Celui de France 3 en rappelant la confiance qu'il inspirait aux républicains les plus intransigeants. Et celui d'Arte en revenant sur la séduction qu'il exerça dès la Grande Guerre sur les femmes, qui furent alors des milliers à lui écrire pour lui dire leur reconnaissance, avec souvent des mots d'une ambiguïté troublante.

Un appétit de pouvoir nourri de ressentiment d'un côté, un magnétisme aveuglant de l'autre : une fois ces deux éléments mis en lumière, l'incroyable destin de Philippe Pétain - quasi-retraité en 1918 devenu chef de l'Etat en 1940 - apparaît en définitive beaucoup moins mystérieux.

Thomas Wieder

" Pétain, un héros si populaire ", de Serge de Sampigny, sur France 3, le 15 novembre à 20 h 35 (90 minutes).

" Philippe Pétain ", de Paule Muxel et Bertrand de Solliers, sur Arte, le 24 novembre à 20 h 40 (104 minutes).

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