L'économiste Élie Cohen était l'invité hier du « Talk Orange-Le Figaro ».
L'économiste Élie Cohen résume d'une phrase choc le dilemme qui se pose aux pays membres du G20. « Nous nous trouvons en face d'une situation totalement non coopérative de la part des États-Unis et de la Chine en matière de taux de change », a-t-il indiqué hier lors du « Talk Orange-Le Figaro » dont il était l'invité. Les deux grandes puissances manipulant leur devise pour soutenir leur croissance, l'euro fait figure de « maillon faible : plus ces deux blocs s'entendent, plus la situation nous échappe ». Un problème accentué par le fait qu'en Europe il n'y a toujours pas d'instance en charge des taux de change. « Ce devrait être le ressort du politique, explique Élie Cohen, mais personne n'assume ce rôle, ce qui rend la Banque centrale européenne indirectement responsable de la politique de change, à travers l'arme des taux d'intérêt », ce qui est loin de représenter une gestion optimum.
Seule lueur d'espoir, dans les négociations qui débuteront jeudi à Séoul : « Le secrétaire américain au Trésor, Tim Geithner, a fait une percée conceptuelle en mettant sur la table une proposition visant à limiter à 4 % du PIB les excédents ou les déficits commerciaux », explique Élie Cohen. Une manière détournée d'aborder la question des taux de change sans froisser les susceptibilités. « On n'adoptera pas cet objectif de 4 %, car le G20 n'a pas pour habitude de fixer des seuils chiffrés, mais si on retient le principe d'une limitation des excédents et des déficits commerciaux, il s'agira d'une véritable avancée », explique l'économiste. Jusqu'à présent, Chinois et Allemands ont en effet marqué une nette réticence à l'égard de telles propositions.
Dans ce contexte, les propositions françaises de favoriser l'émergence d'un système monétaire plus stable peuvent, elles aussi, aboutir. « Personne ne croit que nous pourrons revenir à un système de taux de change fixe, mais si le G20 finit par aboutir à la définition de zones cibles, sortes de tunnels dans lesquels évolueront les trois grandes devises mondiales, alors il s'agirait d'une percée », estime Élie Cohen.
L'économiste ne cache pas toutefois les limites de cette instance. « Le G20 est utile lorsqu'il envoie des signaux, comme au plus fort de la crise, quand il fallait empêcher les banques de faire faillite, s'entendre pour pratiquer la relance et éviter le protectionnisme. » Mais en dehors de ces périodes exceptionnelles, sa voix porte beaucoup moins.
Cyrille Lachèvre
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