mardi 9 novembre 2010

Obama offre à l'Inde son soutien pour un siège au Conseil de sécurité de l'ONU

Le Figaro, no. 20613 - Le Figaro, mardi, 9 novembre 2010, p. 6

Le président américain a conclu hier avec succès la première étape de sa tournée asiatique.

Barack Obama aura gardé le meilleur pour la fin. Aux dernières heures d'une visite de trois jours qui l'a conduit de Bombay à Delhi, le président américain a offert à l'Inde son soutien pour un siège permanent au Conseil de sécurité des Nations unies. Un cadeau-surprise qui deviendra à coup sûr le « label Obama » dans un pays où il était attendu avec un certain scepticisme. « Je peux dire aujourd'hui : dans les années qui viennent, je me réjouis d'un Conseil de sécurité de l'ONU réformé incluant l'Inde comme membre permanent », a déclaré Obama devant le Parlement. Les députés ont aussitôt applaudi à tout rompre.

Les analystes indiens les plus aguerris n'avaient pas osé rêver d'une telle promesse; la classe politique non plus. « Si Obama pense que les relations avec l'Inde sont indispensables dans le monde du XXIe siècle, alors il faut ouvrir les portes à l'Inde » dans les grandes instances internationales, avait confié l'ancien secrétaire aux Affaires étrangères Kanwal Sibal avant l'arrivée du président américain. Sans trop y croire. Nirupama Rao, qui occupe actuellement le poste, s'était montrée prudente elle aussi, relevant combien l'affaire était « complexe ».

La refonte du Conseil de sécurité de l'ONU prendra des années et le « cadeau » d'Obama relève davantage du symbole. Mais c'est un « signal fort » des États-Unis, souligne le conseiller adjoint à la sécurité nationale américain, Ben Rhodes. William Burns, sous-secrétaire d'État aux Affaires politiques, affirmait pour sa part : « Ce sera forcément un processus très difficile, qui prendra beaucoup de temps. » Il n'empêche, pour l'Inde, c'est une victoire. Et nombre de responsables politiques à Delhi affirmaient déjà hier que la face du partenariat indo-américain en serait changée.

Elle le sera forcément, ne serait-ce que parce que l'annonce d'Obama est aussi une pierre dans le jardin de la Chine. Pékin s'est toujours opposé à l'accession de l'Inde à un siège permanent au Conseil de sécurité de l'ONU. Or, la visite d'Obama en Inde est vue comme la volonté de Washington de contrebalancer l'influence de la Chine dans la région. Ce n'est pas un hasard si, hier, le président américain a exhorté l'Inde à s'engager encore davantage dans sa Look East Policy. En clair, à renforcer sa présence dans les pays de l'Asean (Association des nations de l'Asie du Sud-Est), voire à consolider ses liens avec le Japon. C'est exactement ce à quoi travaille Delhi depuis plusieurs mois. Pour tous ces pays, la Chine est une menace potentielle.

Le Pakistan stigmatisé

En portant aux nues les valeurs démocratiques indiennes, en soulignant combien elles étaient proches de celles des États-Unis, Obama a aussi, en creux, stigmatisé le régime de Pékin. « Le progrès ne doit pas obligatoirement se faire au détriment de la liberté », a-t-il glissé dans son discours. Ajoutant : « L'Inde a réussi, non pas en dépit de la démocratie mais grâce à la démocratie » ; et notant enfin : « Nos deux Constitutions commencent par les mêmes mots : »We the people...* (»Nous le peuple...*). »

Barack Obama aura donc finalement apporté sa pierre au partenariat indo-américain. Mais il aura été contraint à quelques contorsions sur le Pakistan. Alors qu'il avait appelé Delhi à reprendre le dialogue avec Islamabad, il a été remis sur les rails sans ménagement par le premier ministre, Manmohan Singh, qui a qualifié le Pakistan de « machine à fabriquer du terrorisme ».

Marie-France Calle



Washington s'impose en Asie face à la puissance chinoise
Laure Mandeville

S'IL EST aujourd'hui une région prioritaire dans la politique étrangère de Barack Obama, c'est l'Asie, avec ses marchés dynamiques et la recomposition accélérée de ses différents centres d'influence. Le « premier président américain du Pacifique », comme l'appelle son conseiller à la sécurité nationale, Thomas Donilon - en référence à son lieu de naissance, Hawaï, et à son enfance indonésienne -, est persuadé que les États-Unis n'ont pas suffisamment investi ce continent prometteur, où se joue pour une large part l'avenir de l'économie mondiale.

Au sein de cet ensemble asiatique, une obsession diplomatique prime toutefois sur toutes les autres à Washington : « La montée en puissance de la Chine », ce rival colossal jusque-là centré sur lui-même, dont l'émergence stratégique est en train de mettre fin au statut de superpuissance unique des États-Unis. Les experts américains sont persuadés que la capacité de l'Amérique à « accompagner » cette percée chinoise constitue le grand défi diplomatique qui définira le visage du XXIe siècle.

Stratégie d'endiguement

Durant la première année de son mandat, Obama a essayé d'instaurer un tête-à-tête sino-américain (le fameux « G2 »), sans convaincre : les Chinois ont fait de la résistance sur la réévaluation de leur monnaie, bloqué toute possibilité d'accord au Sommet de Copenhague sur le climat et investi agressivement dans le contrôle du cyberespace. Désormais, le président tente une autre méthode - qui a plus de chances de plaire à la nouvelle majorité républicaine au Congrès - en renforçant spectaculairement ses liens avec quatre autres puissances économiques asiatiques, qui ont aussi la particularité d'être des démocraties. À travers ses étapes indienne, indonésienne, sud-coréenne et japonaise, le voyage de Barack Obama dessine clairement les contours d'une alliance destinée à contenir l'émergence chinoise. « Nous voulons modeler le contexte dans lequel la montée de la Chine se produit, explique Jeff Bader, chargé des affaires asiatiques au Conseil de sécurité nationale. Nous voulons être sûrs que l'émergence de la Chine contribuera à la stabilité de l'Asie au lieu de la saper. Cela ne sera pas possible si nous laissons dériver nos autres relations dans la région. »

La démarche semble d'autant plus naturelle que les pays concernés sont en forte demande d'un retour de l'oncle Sam, notent les experts. Depuis un an, le comportement agressif et conquérant de la Chine suscite l'anxiété dans les capitales asiatiques. « La réévaluation la plus radicale se produit au Japon, note le spécialiste américain de politique étrangère Fareed Zakaria dans le Washington Post. Les Japonais pensaient pouvoir occuper une position tranquille entre les États-Unis et la Chine. Cette notion est en miettes. » La puissance militaire chinoise préoccupe nombre de pays, même Singapour ou le Vietnam. L'accueil triomphal reçu la semaine dernière à Hanoï par Hillary Clinton, lors du sommet des économies asiatiques, en dit long. Washington, qui vient de renforcer sa coopération militaire avec l'Inde, l'Australie et la Nouvelle-Zélande, apparaît à nouveau comme l'allié stratégique indispensable.

Soucieux de ne pas couper pour autant les ponts du dialogue avec Pékin, les Américains se défendent de faire de « l'endiguement », préférant « gérer la montée en puissance chinoise ». Mais personne n'est dupe de cette coquetterie linguistique. Surtout pas les Chinois.

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