Areva à la veille de la signature d'un contrat d'uranium géant avec la Chine
Le groupe nucléaire public devrait officialiser un contrat de fourniture d'uranium d'environ 3 milliards d'euros avec CGNPC, avec lequel il négocie par ailleurs une commande de deux réacteurs EPR supplémentaires. Le projet de coopération avec CNNC pourrait également être ravivé.
La visite en France du président chinois Hu Jintao, qui commence jeudi, devrait être l'occasion pour Areva de ramasser une belle moisson de contrats avec ses partenaires asiatiques. « Nous sommes optimistes sur le développement de la coopération entre les deux pays dans l'énergie nucléaire et l'aviation civile », déclarait la semaine dernière la vice-ministre des Affaires étrangères Fu Ying à la presse, ajoutant : « Nous espérons conclure certains accords et produire des résultats concrets. »
Selon nos informations, Areva pourrait non seulement annoncer une avancée dans ses négociations avec CGNPC pour la commande de deux réacteurs EPR supplémentaires, mais il devrait aussi officialiser un contrat de livraison d'uranium de l'ordre de 3 milliards de dollars avec l'électricien chinois. L'accord porterait sur la fourniture de 20.000 tonnes d'uranium sur dix ans. Un contrat record pour l'industrie et un tour de force pour le groupe public tricolore, premier producteur mondial d'uranium avec 8.600 tonnes par an.
Initialement, l'électricien chinois devait racheter à Areva 49 % de la société minière canadienne UraMin, que le français avait acquise en 2007 pour 1,9 milliard d'euros. Sur ce plan, les négociations ont échoué l'an dernier, mais CGNPC veut sécuriser son approvisionnement en uranium. Le contrat qui doit être finalisé lui donne une visibilité sur dix ans à un prix moyen d'environ 75 dollars par livre. Actuellement, le minerai cote 52 dollars la livre, contre 36 dollars il y a un an. De cette manière, l'électricien se couvre contre des hausses de cours intempestives et Areva réduit la volatilité de son portefeuille minier.
Pour l'électricien du Guangdong, le besoin en uranium ne cesse de croître. Areva avait signé en novembre 2007 un contrat de 8 milliards d'euros pour la livraison dedeux EPR de 1.600 mégawatts sur son site de Taishan. Les groupes sont en discussions depuis plusieurs mois pour une nouvelle commande de deux réacteurs. Ici, les négociations continuent et une commande ferme parait peu probable dès cette semaine, même si CGNPC est réputé très favorable à l'EPR et se réjouit de l'avancée rapide des travaux sur les deux premières tranches. En revanche, une déclaration d'intention est attendue. Mais Areva reste extrêmement prudent : « Les discussions avec nos partenaires chinois se poursuivent », déclare un porte-parole.
Vers une « nouvelle page » ?
Troisième volet des négociations franco-chinoises, la reprise des discussions entre Areva et l'autre groupe nucléaire, CNNC. Celles-ci avaient été ouvertes en novembre 2007 avec l'objectif « d'ouvrir la voie à une coopération industrielle dans l'aval du cycle ». Derrière ces mots barbares, l'idée de construire en Chine une usine de retraitement comme celle de la Hague, en France. Un tel projet se chiffre autour d'une quinzaine de milliards d'euros. Si personne n'attend de réalisation concrète sur ce terrain, l'intention d'avancer pourrait être soulignée entre la France et la Chine, sachant que toute signature nécessite au préalable un accord politique au niveau des Etats. Or, les pouvoirs publics français sont divisés. Certains estiment dangereux d'exporter une technologie proliférante. D'autres soulignent au contraire que à l'inverse de l'Inde, la Chine a signé le traité de non-prolifération.
Dans l'immédiat, toutefois, Areva et CNNC pourraient signer un contrat dans l'amont du cycle, plus précisément dans l'une des étapes permettant de transformer le minerai d'uranium en combustible. Pour le géant chinois du nucléaire, qui travaille essentiellement avec l'américain Westinghouse pour les réacteurs, cette coopération pourrait aussi s'élargir à d'autres aspects, dont l'uranium.
« L'affaire n'est pas bouclée », prévient cependant un expert du dossier, qui estime que, au fond, tout dépendra du signal que va vouloir envoyer le président Hu lors de sa visite. « La dernière fois ça s'était tranché dans la dernière nuit. » Les négociations interviennent néanmoins dans un contexte de détente entre la France et la Chine. En 2008, ulcérés par le soutien réservé au dalaï lama, les Chinois avaient bloqué toute négociation. En début de cette année, le président Nicolas Sarkozy est venu faire allégeance à Pékin, avec la volonté d'ouvrir une « nouvelle page » dans les relations bilatérales. Six mois plus tard, l'étape des contrats pourrait être franchie. Si tel était le cas, ce serait un succès de la diplomatie française, mais aussi d'Anne Lauvergeon. Il arriverait à point nommé pour la patronne d'Areva, affaiblie ces derniers temps face à la montée en force du patron d'EDF, Henri Proglio, dans la filière nucléaire française.
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