mardi 30 novembre 2010

EXPLICATION - En Corée du Sud, l'opinion redécouvre la menace du Nord - Dorian Malovic

La Croix, no. 38829 - Explication, lundi, 29 novembre 2010, p. 5

Les États-Unis et la Corée du Sud ont engagé hier des manoeuvres aéronavales en mer Jaune, près de la frontière nord-coréenne, avec la présence du porte-avions nucléaire USS Washington. La Chine a réclamé hier une réunion d'urgence des pays concernés.

Pourquoi des manoeuvres américano-coréennes ?

Les manoeuvres impliquant la marine américaine et la marine sud-coréenne, qui ont commencé hier, étaient prévues bien avant les bombardements nord-coréens sur l'île sud-coréenne de Yeonpyeong, qui ont fait quatre victimes (deux soldats et deux civils) mardi dernier. Mais leur maintien dans cette période de forte tension et dans cette région ultra-militarisée inquiète.

La Corée du Nord affirme que ces manoeuvres de grande envergure amènent la péninsule coréenne « au bord de la guerre » et que « ces exercices militaires des impérialistes américains et de leur marionnette belliciste sud-coréenne » sont dirigés contre elle.

Son alliée historique, la Chine, s'inquiète elle aussi de ces manoeuvres à quelques kilomètres de ses frontières. « Nous sommes opposés à toute action militaire non autorisée à l'intérieur de la zone économique exclusive de la Chine », a déclaré Pékin.

La Corée du Sud durcit-elle le ton ?

Pour Séoul, les exercices navals illustrent un soutien « indéfectible » des États-Unis et permettent au président Lee Myun-bak de rassurer son opinion publique. Celle-ci paraît très en colère et critique la faible réaction militaire de son gouvernement après l'attaque du Nord. Après la démission du ministre de la défense la semaine dernière, son successeur, nommé vendredi pour « répondre rapidement et fermement à la situation de crise », a préconisé de répliquer « au centuple » en cas de nouvelle agression armée de Pyongyang.

Sur l'île de Yeonpyeong, la plupart des 1 300 habitants se sont réfugiés sur le continent et les derniers qui le désirent devaient être évacués hier. Mais ceux qui préfèrent rester en ont finalement obtenu le droit. Les 400 journalistes présents sur place ont été priés de quitter l'île pour leur sécurité.

Une guerre peut elle éclater ?

Une guerre « n'est pas impossible », déclare à La Croix Howard Young, directeur de la Radio for North Korea à Séoul. « La Corée du Nord peut encore provoquer le Sud sous le prétexte de ces manoeuvres navales, même si je pense que Pyongyang ne veut pas d'une guerre totale. Toutefois, dans le contexte actuel, on peut redouter un dérapage », explique-t-il.

Les images des bombardements nord-coréens diffusés par les télévisions sud-coréennes ont traumatisé la population, en majorité née après la guerre de Corée (1950-1953), et qui a pris conscience de la réalité du danger. « Les gens sont plus effrayés aujourd'hui, car la menace nord-coréenne s'est matérialisée dans leur esprit », ajoute Howard Young.

« Nous sommes au bord de la guerre, déclare quant à lui Rudiger Frank, président du département Asie à l'université de Vienne, spécialiste de la Corée du Nord. Les risques n'ont jamais été aussi élevés, la situation est très inquiétante. La pression de l'opinion publique sud-coréenne poussera Séoul à réagir à la prochaine provocation. Quant aux Nord-Coréens, leur position est claire, ils riposteront. Ces manoeuvres militaires auraient dû être annulées. »

Tous les pays concernés devront faire preuve d'un grand sang-froid afin d'éviter la moindre étincelle fatale. Hier, Pékin proposait que se retrouvent, début décembre, les six pays participant aux négociations sur le programme nucléaire nord-coréen (deux Corées, États-Unis, Japon, Russie et Chine), en soulignant la « profonde inquiétude » de la communauté internationale.

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