Les manoeuvres navales américano-sud-coréennes, qui ont commencé, dimanche 28 novembre, en mer Jaune, ont fait monter d'un cran la tension dans la région.
Bien que prévues avant le bombardement nord-coréen de l'île de Yongpyong (quatre morts et une quinzaine de blessés), le 23 novembre, elles constituent une démonstration de force de la Corée du Sud et des Etats-Unis en réponse à cette attaque.
Le porte-avions américain George-Washington avec 70 chasseurs à bord et accompagné de navires d'escorte y participe. En fin de journée, lundi, elles n'avaient donné lieu à aucun incident. Pour l'instant, elles se déroulent à 160 kilomètres au sud de la ligne de démarcation entre les deux Corées.
A la mise en garde de la Corée du Nord, qui a dénoncé ces exercices comme une " nouvelle provocation militaire intolérable " plaçant la péninsule " au bord de la guerre ", s'ajoute l'échauffement des esprits du Sud, encore attisé par les médias progouvernementaux et l'engagement solennel du chef d'état-major de la marine sud-coréenne, l'amiral Yoo Nak-joon, lors des funérailles des deux soldats tués dans cette attaque, " à venger les morts ". Pour sa part, le président sud-coréen Lee Myung-bak a promis que Pyongyang allait " payer le prix " de ses " crimes inhumains ".
Ces manoeuvres suscitent l'irritation de la Chine, qui estime que l'important pour l'instant est d'" éviter de nouveaux incidents " et a mis en garde contre " toute action militaire unilatérale ". Pékin a appelé, dimanche, à une consultation d'urgence des six pays directement concernés (deux Corées, Chine, Etats-Unis, Japon et Russie). Proposition accueillie mollement par Séoul et par Washington.
Il y a quelques mois, Pékin avait demandé aux Etats-Unis de ne pas procéder à des exercices militaires en mer Jaune, un avertissement de Washington à Pyongyang à la suite cette fois du naufrage, en mars, de la corvette sud-coréenne Cheonan torpillée, selon les conclusions d'une enquête internationale, par un sous-marin du Nord.
Les forces américaines avaient donc concentré leurs manoeuvres de l'autre côté de la péninsule. La Chine a rappelé dimanche que les navires de guerre étrangers devaient obtenir sa permission pour entrer dans sa zone économique exclusive (370 kilomètres de ses côtes).
La zone qui présente le plus de risques d'incidents est située à l'ouest de l'estuaire du fleuve Han, dans les eaux qui baignent le chapelet de cinq îles sud-coréennes - dont fait partie Yongpyong - situé à une dizaine de kilomètres des côtes nord-coréennes. La République populaire démocratique de Corée (du Nord, RPDC) ne reconnaît pas la ligne de démarcation maritime qui prolonge celle terrestre séparant les deux pays à hauteur du 38e parallèle.
" L'accord d'armistice de 1953 n'a pas statué sur les limites des eaux territoriales et, en raison de la situation politique, les deux Corées n'ont jamais pu négocier ce point au moment de la ratification du nouveau droit de la mer en 1994. Aussi la "ligne de démarcation Nord" n'est-elle qu'une ligne de sécurité établie de facto par le Sud, au départ pour empêcher ses bateaux de pêche de s'aventurer au nord ", commente Valérie Gelézeau, maître de conférences à l'Ecole des hautes études en sciences sociales et directrice du Centre de recherches sur la Corée.
" Pour sa part, explique-t-elle, la Corée du Nord a déclaré unilatéralement en 1977 une "zone maritime militaire" de 70 kilomètres depuis ses côtes, qui englobe par conséquent les cinq îles sud-coréennes de l'archipel d'Ongjin. Ces territoires maritimes indéterminés au regard du droit international sont symptomatiques de la nature paradoxale de la frontière intercoréenne, qui n'est techniquement pas une frontière au sens premier du terme de limite d'un Etat fixé par le droit international. "
L'armistice de 1953 n'ayant jamais été suivi d'un traité de paix, les deux Corées sont techniquement toujours en état de guerre : " En période de tension, les affrontements ont lieu logiquement en cet endroit et il est probable que d'autres auront lieu si la logique d'escalade actuelle se poursuit ", estime Valérie Gelézeau.
Philippe Pons
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