lundi 22 novembre 2010

A Francfort, Ben Bernanke se défend et pointe vers la Chine

Les Echos, no. 20809 - International, lundi, 22 novembre 2010, p. 10

Le président de la Fed a défendu sa politique mais s'est montré offensif au sujet des grands déséquilibres mondiaux, estimant que la sous-évaluation de certaines monnaies empêche un rééquilibrage de la croissance mondiale.

Le président de la Réserve fédérale a une nouvelle fois défendu sa politique d'assouplissement quantitatif lors de la réunion des banquiers centraux vendredi à Francfort. « La meilleure façon d'avoir des fondamentaux économiques forts qui soutiennent le dollar, et qui aident à un rétablissement global, passe par des politiques qui aident au redémarrage d'une croissance robuste dans un contexte de stabilité des prix aux Etats-Unis. » Autrement dit, le choix de la banque centrale de racheter pour 600 milliards de dollars d'emprunts d'Etat d'ici à juin 2011 est non seulement bonne pour les Etats-Unis en ce qu'elle doit faire baisser le chômage et éviter la déflation, mais aussi pour le monde_ d'autant qu'elle contribuera à la réappréciation du dollar. Barack Obama, présent ce week-end à Lisbonne pour un sommet avec l'Union européenne, a défendu la même position.

A Francfort, Ben Bernanke n'a pas joué que la défense, mais aussi l'attaque. Il a souligné que les grands déséquilibres mondiaux ne se résoudraient pas tant que les pays fortement exportateurs ne se rééquilibreront pas en favorisant une hausse de la consommation sur leur marché intérieur. Premiers visés : la Chine dont la monnaie est sous-évaluée, mais aussi Taiwan, Singapour et la Thaïlande. « La stratégie de sous-évaluation des monnaies empêche une croissance globale soutenue et équilibrée », a-t-il insisté. « Ben Bernanke a souligné qu'il y a deux rythmes de croissance. Celui des Etats-Unis, du Japon et de l'Europe est beaucoup plus faible que celui des pays émergents. Cela justifierait d'ailleurs que les premiers aient une monnaie moins forte », observe Michael Hanson, senior économiste chez Bank of America.

Les critiques sont très fortes

Mais beaucoup de pays voient surtout dans les efforts de la Fed une tentative à peine dissimulée de dévaluer le dollar pour aider ses exportations. Ils y voient aussi des risques d'inflation comme de formation de bulles spéculatives, avec les liquidités affluant vers les pays émergents aux taux d'intérêt plus élevés.

Les critiques sont très fortes aux Etats-Unis aussi, en particulier chez les républicains. Quatre de leurs leaders ont écrit au président de la Fed pour lui exprimer leur inquiétude sur une politique « qui crée de l'incertitude sur la force future du dollar » et qui peut susciter des nouvelles bulles. Une vingtaine de personnalités, dont des économistes et d'anciens membres du gouvernement Bush, ont de leur côté demandé à Ben Bernanke d'arrêter l'assouplissement quantitatif. « Les républicains sont très réceptifs aux arguments des Tea Parties, dont des leaders demandent la dissolution pure et simple de la banque centrale », note Michael Hanson

Mercredi, les républicains ont déposé un projet de loi visant à réduire le mandat de la Fed à la seule stabilité des prix en lui enlevant celui de soutenir l'emploi. Le secrétaire au Trésor, Tim Geithner, s'est vivement opposé à cela « Il est très important de séparer le monde politique de la politique monétaire », a-t-il déclaré à Bloomberg TV.

Avant de partir pour Francfort, Bernanke a rencontré à huis clos les sénateurs pour leur expliquer sa vision. Différents membres de la Fed sont également intervenus pour s'exprimer publiquement en faveur de la stratégie adoptée. Mais, visiblement, il y a encore beaucoup d'explications à donner.

VIRGINIE ROBERT

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