Le discours du G20 est une farce d'un ministère mondial de la propagande ! " Le verdict de Steen Jakobsen, analyste chez Limus capital, est sans doute un peu radical mais visiblement partagé, au moins en partie, par les marchés.
A l'issue du sommet de Séoul qui s'est tenu jeudi 11 et vendredi 12 novembre, les investisseurs ont en effet sanctionné l'incapacité des dirigeants de la planète à prendre de vraies décisions pour remettre de l'ordre dans une économie mondiale en plein désordre : malade ou convalescente au Nord-Ouest et trop tonique au Sud-Est.
Aussi quelques minutes après la diffusion du communiqué final du G20, vendredi, les places boursières ont flanché - dans la matinée, Paris cédait 2,5 %; à Londres et à Francfort, le repli évoluait entre 1 % et 1,5 %. Plus tôt, la Bourse de Shanghaï avait plongé de 5,16 %.
Ce recul généralisé a accentué les pertes engrangées par les marchés actions depuis le lundi 8 novembre : - 2,19 % pour le CAC 40 à Paris, - 1,34 % pour le FTSE de Londres, - 2,2 % pour le Dow Jones à New York et enfin - 6,5 % pour le CSI à Shanghaï.
Le G20 n'est pourtant pas directement responsable de cette baisse. Mais les investisseurs regrettent que ce sommet n'ait rien su faire ou rien su dire pour rassurer des investisseurs de plus en plus stressés au Nord comme au Sud à l'Est comme à l'Ouest.
Chaque zone géographique semble en effet avoir ses propres problèmes, qui tous affectent la croissance mondiale.
En Chine tout d'abord les investisseurs s'inquiètent des mesures que pourrait prendre dès ce week-end la banque centrale pour freiner une économie en surchauffe. Et si ces craintes ne sont pas nouvelles, elles deviennent plus tangibles. L'inflation en République populaire a atteint 4,4 % en glissement annuel en octobre, le plus haut niveau depuis la crise financière. Plus grave, l'agence Reuters rapportait jeudi que l'Académie des sciences sociales chinoises à Pékin avait publié un article indiquant que la flambée des prix avait été sous-estimée de 7 % depuis cinq ans. Autrement dit, ce n'est pas de 4,4 % d'inflation mais de 11,4 % dont il faudrait parler.
Pour les investisseurs, c'est un coup dur car la croissance chinoise est censée être le moteur de l'économie mondiale et la source des profits de nombreuses multinationales européennes comme le groupe de luxe LVMH ou le constructeur automobile Volkswagen.
Le paradoxe est que cette surchauffe des prix en Chine est sans doute, au moins en partie, le résultat de l'inefficacité des mesures prise par les Etats-Unis pour relancer leur économie mollassonne.
Outre-Atlantique, la Réserve fédérale américaine (Fed) a enclenché un programme baptisé QE2, pour quantitative easing - de deuxième phase - visant à injecter 600 milliards de dollars (440 milliards d'euros) dans l'économie.
L'objectif est, entre autres, que cet argent vienne doper les cours des actions à Wall Street. Mais les investisseurs d'abord enthousiastes réalisent que ces 600 milliards de dollars ne vont peut-être pas servir à acheter des titres de sociétés cotées au Dow Jones mais à spéculer sur les marchés de matières premières avec un effet collatéral évident sur les prix alimentaires dans le monde. Après le cauchemar de la déflation - une baisse généralisée des prix et des salaires - les marchés commencent ainsi à redouter la stagflation, une inflation sans croissance.
Or, explique Gregori Volokhine, chez Meeschaert, à New York, si " la déflation inquiète, la stagflation affole ". Cette crainte pèse déjà sur les cours de compagnies qui utilisent les matières premières agricoles comme le fabricant de corn-flakes Kellogg's ou Dean Food, celui du " Danone américain " dont l'action a chuté de 25 % sur la semaine.
En Europe, les investisseurs se sont à nouveau alarmés d'un éventuel défaut de l'un des " maillons faibles ". Après la Grèce, c'est l'Irlande qui a fait réapparaître ces craintes, faisant vaciller les marchés. Depuis Séoul, les dirigeants européens ont tenté de calmer ces inquiétudes, ce qui n'a pas empêché les rumeurs évoquant une aide financière d'urgence à Dublin de circuler dans l'après-midi.
Claire Gatinois
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