La Chine proteste un peu trop bruyamment contre la décision américaine de faire tourner la planche à billets. Le Quotidien du peuple est même allé jusqu'à accuser la Réserve fédérale américaine (Fed) de " manipulation du taux de change " à propos des 600 milliards de dollars (430 milliards d'euros) que celle-ci va injecter dans le système financier américain en rachetant des bons du Trésor.
Une démarche curieuse, car la Chine a moins à perdre à ce soi-disant laxisme que la plupart des autres nations. Mais attiser le ressentiment des pays émergents contre les Etats-Unis est une tactique commode pour détourner l'attention générale de ses propres manoeuvres sur les changes.
Le programme de la Fed aura sans doute des répercussions néfastes sur certains pays. Les investisseurs en dollars, à la recherche de rendements plus attirants, vont s'intéresser à d'autres pays, ce qui fera grimper la devise de ces derniers et pénalisera leurs exportations. La surabondance de dollars a ainsi entraîné la dévalorisation du billet vert et par conséquent l'appréciation du real brésilien, du baht thaïlandais ou du won coréen.
La Chine est toutefois mal placée pour se faire le porte-parole des pays émergents. Bien sûr, comme eux, elle a une forte croissance et des marchés en expansion qui ont de quoi séduire les investisseurs. Mais, dans les faits, sa monnaie reste indexée sur le dollar : le yuan n'a progressé que de 2 % depuis juin par rapport au billet vert, et encore, en partant d'un niveau déjà considéré comme trop bas. Les autres monnaies ont connu des hausses bien plus marquées. Le recul du dollar profite donc directement aux exportateurs chinois, aux dépens des autres pays émergents. Stratagème
Le contrôle que Pékin exerce sur les mouvements de capitaux risque d'aggraver le problème pour les autres pays. Si l'accès à la deuxième économie du monde leur était interdit, les investisseurs se tourneraient alors vers des économies au profil similaire, comme la Thaïlande, la Corée du Sud, Taïwan ou l'Indonésie. La pratique de l'encadrement réglementaire peut réorienter les capitaux de la spéculation vers les pays où elle n'a pas cours.
Les mesures de la Fed ne sont pourtant pas seulement un bienfait pour la Chine. La mise en circulation d'une quantité excessive de dollars provoque en effet un troisième phénomène : elle pousse à la hausse le cours des matières premières et les prix de l'énergie et elle alimente l'inflation en Chine comme ailleurs.
Mais à la veille du sommet du G20 de Séoul, prévu jeudi 11 et vendredi 12 novembre, les vitupérations auxquelles se livre Pékin ressemblent surtout à un stratagème destiné à faire oublier sa propre contribution aux déséquilibres mondiaux actuels.
John Foley
© 2010 SA Le Monde. Tous droits réservés.
0 commentaires:
Enregistrer un commentaire