Le 16 novembre prochain, Christie's met en vente des millésimes rares, dont un Impérial de Cheval-Blanc 1947 estimé entre 150 et 250,000 dollars. L'acheteur pourrait bien être chinois.
Picasso, Warhol, Lichtenstein, Patek Philippe mais aussi Romanée-Conti ou Montrachet. Depuis quelques années, les noms des grands crus ont rejoint ceux des artistes et marques de montres dans les catalogues de vente aux enchères. Avec un département consacré aux vins, Christie's fait figure de leader dans ce domaine et s'apprête à adjuger à Genève les trésors récoltés par ses experts.
Lors de cette vente en trois sessions (le matin, l'après-midi et le soir), mille lots passeront sous le marteau. Des lots rares par leurs formats - Impérial, Jeroboam, Marie-Jeanne, Magnum -, l'ancienneté des millésimes et leur provenance. «Nous avons rassemblé 460 bouteilles de Romanée-Conti, ce qui est exceptionnel vu la taille du domaine», explique Michael Ganne, spécialiste du département vin de Christie's. A titre comparatif, le vignoble de la Romanée-Conti en Bourgogne fait un hectare alors que celui du Château Lafite Rothschild dans la région de Bordeaux s'étale sur 80 hectares... «La plus ancienne bouteille de l'enchère date de 1937 et la plus récente de 2007. Une collection de cette ampleur prend énormément de temps à être constituée.»
En plus de cet argument, l'expert a d'autres atouts dans ses manches pour rassurer les potentiels acheteurs et exciter leur convoitise. «Nous mettons également en vente des Cheval-Blanc 1947, des grands crus dont on peut garantir la qualité.» Chaque bouteille a été goûtée puis reconditionnée. «Un bouchon n'est pas fait pour durer aussi longtemps. Il devenait donc urgent de les remplacer. Tous les Châteaux (le terme consacré pour parler d'un vignoble dans le Bordelais, ndlr) le font régulièrement avec leur stock. Je peux donc affirmer que ce vin est d'une qualité supérieure et qu'il n'est pas bouchonné.» Un sacré avantage. Reste un point déterminant pour les enchérisseurs: que la traçabilité des millésimes de la vente soit établie. «Les collectionneurs qui se séparent d'une partie de leur cave sont tous connus de nos services. Si le vendeur ne peut pas nous apporter de preuves suffisantes nous contactons le Château ou le Domaine qui a mis en bouteille le vin pour s'assurer de son authenticité.»
Depuis les années 2000, le marché des enchères de vins n'a cessé d'évoluer. «Une première hausse est intervenue en 2005, lorsque les producteurs ont décidé d'augmenter leurs prix, ce qui a eu pour conséquence de faire grimper tous les tarifs, reprend Michael Ganne. Puis une seconde hausse est survenue en 2009, avec les mêmes effets.» Historiquement, c'est en Angleterre que ces enchères ont vu le jour, avec la création en 1966 du département spécialisé de Christie's. «Les Américains ont toujours fait partie des importants collectionneurs de grands crus. Mais aujourd'hui, on constate surtout que l'épicentre du marché s'est clairement déplacé en Asie.» L'Empire du Milieu en pole position. «Depuis environ trois ans, la Chine et Hong Kong se passionnent pour les vins. Auparavant, les taxes d'importation y étaient très élevées, ce qui freinait énormément le développement des enchères. Puis cette taxation a été abolie, ouvrant nettement le marché aux enchérisseurs de ce coin du monde.»
Néanmoins, les maisons de ventes aux enchères européennes n'ont toujours pas le droit d'établir leurs salles de vente en Chine continentale, seulement des bureaux. Du coup, elles se rabattent sur Hong Kong, où le système légal différent de celui en place dans le reste du pays leur permet - en s'associant à un partenaire local - d'y faire des affaires. «Après un recul de 20 à 25% des prix à fin 2008 en raison de la crise, nous sommes revenus aujourd'hui à des niveaux de 2007. Ceci grâce aux Chinois qui achètent en quantité et à des prix très élevés. C'est un marché clé pour nous» Des amateurs riches et nombreux qui ont une préférence marquée pour les bordeaux. «C''est un vin plus simple à comprendre pour commencer qu'un Bourgogne qui nécessite une culture plus pointue.»
S'il y a de fortes chances que les acquéreurs des lots-phares de la vente du 16 novembre viennent d'Asie, les profils des potentiels acheteurs - toutes nationalités confondues - sont connus. L'expert en identifie quatre. Le collectionneur semblable à celui de montres ou de voitures, qui achète beaucoup de bouteilles mais n'a pas pour but de les ouvrir. Celui qui s'intéresse au caractère rare d'un objet comme l'Impérial de Cheval-Blanc 1947. A l'opposé de ce dernier, le connaisseur qui achète pour déguster et va s'intéresser à des formats faciles à ouvrir. Enfin l'amateur qui mise sur des bouteilles à 400 francs, pour se faire plaisir avec un vin de qualité, payé moins cher que dans le commerce.
Mais pour l'heure, le spécialiste prie pour que parmi ces différents enchérisseurs il s'en trouve un pour acquérir la bouteille de vin la plus chère jamais mise en vente: le fameux Impérial de Cheval-Blanc 1947, un flacon d'une contenance de 6 litres qu'il a estimée entre 150 et 250?000 dollars. «Pour ce lot extraordinaire, les acheteurs potentiels se comptent sur les doigts d'une seule main...»
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