A l'origine de la flambée des prix, un afflux de mauvaises nouvelles sur la production dans de nombreux pays depuis juin. La grande inconnue reste la production indienne.
Le prix du sucre est salé. Sur l'InterContinental Exchange de New York, il atteignait de nouveaux sommets en séance hier. La veille, il s'échangeait à 30,2 cents la livre, un plus haut depuis trente ans. « En cinq mois, les prix ont doublé. Sur les cent derniers jours de trading, le sucre a gagné 14 cents par jour en moyenne », remarque Emmanuel Jayet, responsable de la recherche sur les matières premières agricoles à la Société Générale.
Si un tel rallye a de quoi surprendre, il s'explique par un afflux de mauvaises nouvelles au niveau de la production. Après l'Indonésie et la Russie, puis l'Union européenne, la Thaïlande, l'Afrique du Sud et l'Argentine, qui ont dû réviser en baisse leurs estimations de production en raison de mauvaises conditions météorologiques (sécheresse ou pluies selon les cas), la déception vient cette fois-ci du Brésil. Elle est d'autant plus importante que ce pays, premier producteur et exportateur mondial, représente à lui seul la moitié des exportations mondiales. Si entre avril et août, la récolte a démarré sur les chapeaux de roue, en revanche, depuis la fin de l'été, le dernier tiers est très en deçà des attentes, par manque de pluies. Sur les quinze premiers jours d'octobre, ce pays aurait produit selon l'Unica, principale organisation de la filière canne à sucre, seulement 1,5 million de tonnes, soit 30 % de moins qu'en 2009 et 8 % de moins qu'en 2008.
Demande élevée en Chine
A l'heure actuelle, la grande inconnue reste l'Inde, deuxième poids lourd dans le sucre. La récolte devrait être bonne, mais, pour avoir des statistiques fiables sur la production, il faudra attendre avril 2011. Et pour connaître le nombre de tonnes exportées par l'Inde, le bon vouloir du gouvernement. Pour lors, les marchés s'attendent à un chiffre compris entre 2 et 3 millions de tonnes.
« Les cours actuels ont renoué avec ceux de janvier dernier. Les prix avaient déjà atteint des sommets vieux de trente ans suite à deux années marquées par des déficits, portant les stocks à des niveaux historiquement bas », commente Emmanuel Jayet. « Sur la récolte 2010-2011, le marché du sucre devrait être en situation de très léger surplus. Il n'y a donc pas de raison fondamentale pour que les prix continuent à grimper. A moins que les importations de la Chine n'explosent », indique l'analyste. Jusque-là, ce pays était quasiment autosuffisant. Or, sur les trois derniers mois, il a déjà importé 1 million de tonnes, le même montant que sur la totalité de l'an dernier. Par ailleurs, les prix domestiques en Chine ont flambé, à 50 cents la livre. Même s'ils ne sont pas directement comparables aux prix de l'ICE, ils révèlent une demande élevée.
« A l'inverse, pour que les prix du sucre se détendent sous les 25 cents la livre, il faudrait que la récolte indienne dépasse les 28 millions de tonnes et que les tonnes exportées soient supérieures aux attentes des analystes » ajoute Emmanuel Jayet.
LAURENCE BOISSEAU
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