mercredi 12 janvier 2011

LIVRE - La guerre des empires: Chine contre États-Unis par François Lenglet


De deux ans passés en Chine, le journaliste François Lenglet nous revient avec une prophétie épouvantable. Avec la guerre des empires, Chine contre Etats-Unis, "nous sommes à la veille d'un choc comme notre planète en connaît [...] toutes les trois ou quatre générations, lorsque le leader en devenir affronte la puissance déclinante".

L'auteur tire sa terrible certitude du formidable développement chinois. "Ce n'est pas seulement une réussite, écrit-il, c'est une revanche. Une revanche contre les Occidentaux, les usurpateurs qui ont ravi aux Chinois la première place mondiale durant deux siècles, à peine le temps d'un battement de paupières à l'aune de l'histoire multimillénaire de la Chine."

Avec une économie inondée de liquidités, sa croissance folle et le gâchis considérable de ressources qui l'accompagne, la Chine, affirme François Lenglet, vit sur un volcan : "Si la date de l'éruption est impossible à prévoir, il ne fait guère de doutes qu'elle se produise." L'auteur constate que le monde est à la veille d'un déluge d'argent chinois sans précédent. Les Occidentaux devront se soumettre à la loi qu'ils ont eux-mêmes imposée, celle du capitalisme, selon laquelle "seul décide celui qui peut aligner des zéros". Déjà, le conflit s'est placé sur le terrain de l'accès aux actifs, si bien que les Etats-Unis et les pays européens risquent de perdre leur souveraineté. C'est une guerre par tous les moyens, militaires ou non, qui s'est ouverte.

La guerre des empires: Chine contre États-Unis

Éditions Fayard


Les matins - François Lenglet
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Une Amérique surendettée face à une Chine devenue son banquier. Et bientôt deux modèles qui ne manqueront pas de s'affronter.

C'est la nouvelle route de la soie. En 2010, tous les chemins de la finance mènent à Pékin. Que se passera-t-il lorsque la Chine échangera le financement de la dette américaine contre l'autorisation d'acheter Chevron ou General Motors ? On est loin du match de ping-pong disputé en 1971 par l'équipe américaine à Pékin, et des pandas offerts par la Chine à madame Nixon. D'un côté la cigale, de l'autre la fourmi.

L'Amérique surendettée emprunte à son banquier assis sur 2.500 milliards de dollars de réserves. La Chine lui vend ses produits et place son épargne. A cette fable, le journaliste François Lenglet, directeur de la rédaction de « La Tribune », apporte sa morale. Elle est lucide, pessimiste et vigoureuse comme son titre « La Guerre des empires ». L'équilibre actuel n'est qu'un équilibre de la terreur : « la Chine va entrer en collision avec les Etats-Unis ». La guerre froide, n'a-t-elle pas déjà commencé ? Les fréquents incidents entre les navires américains et leurs homologues chinois en mer de Chine du Sud en témoignent. Pour Pékin, cette zone maritime est la sienne et il la défendra sans états d'âme. Lenglet se livre au décompte inédit -impressionnant ! -de l'arsenal en cours de constitution. Il calcule que, avant la fin de la décennie, les crédits militaires de Pékin auront dépassé ceux de Washington. L'auteur visite les champs de bataille : les mers, la monnaie, le cyberspace, l'or noir. Il explore les quarante ans qui ont remis les empires face à face, sources originales et qualité d'écriture à l'appui. En décembre 1978, l'échange d'ambassades et l'ouverture proclamée par Deng Xiaoping sont quasi simultanées.

La guerre des modèles

En 1987, le premier Kentucky Fried Chicken ouvre à Pékin. Les Chinois adorent. Ils apprécient moins le bombardement par erreur de leur ambassade à Belgrade en 1999. Celle-ci déclenche une explosion nationaliste jamais vue depuis 1949. Les nerfs restent à vif mais le commerce continue. WalMart avec ses 20 milliards d'achats annuels assure à lui seul 10 % des importations chinoises aux Etats-Unis. Pékin étend ses réseaux, prend des marchés, pompe les matières premières du monde entier et se donne les moyens d'en protéger les accès ; elle se souvient de la pénurie de bois qui lui a fait rater sa première révolution industrielle.

Elle a retrouvé le niveau de vie le plus élevé de son histoire, effacé le siècle de l'humiliation, formé des centaines de milliers d'ingénieurs pour 40 % moins cher que ses concurrents occidentaux, a sorti en trente ans 300 millions de personnes de la pauvreté. Ce palmarès pourrait justifier qu'un jour le monde préfère le consensus de Pékin à celui de Washington, stade ultime du conflit, celui de la guerre des modèles. Ce livre aussi est un modèle. Tout ce que vous avez voulu savoir sur la Chine.

SABINE DELANGLADE (Les Echos)

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