Il serait temps que la Chine s'attaque à l'épineux problème de l'inflation. En octobre, l'indice des prix à la consommation a grimpé de 4,4 % sur un an, un niveau inédit depuis septembre 2008. L'inflation se situe donc maintenant un rien en deçà du taux de 4,5 % que l'éminent professeur d'économie chinois Li Yining a récemment estimé être le seuil de danger pour le pays.
Pour dire les choses plus brutalement, si les prix continuaient à grimper au même rythme que le mois dernier durant toute une année, l'inflation atteindrait 11 %. Et déjà, les officiels repensent à la douloureuse envolée des prix des années 1990, une période où l'inflation a atteint jusqu'à 22 %.
Une flambée des prix d'abord nourrie par la surabondance de liquidités. Par rapport à l'expansion de la masse monétaire chinoise, l'injection de liquidités récemment décidée par la Réserve fédérale américaine (Fed) - et si critiquée - a tout simplement l'air ridicule : le montant de nouveaux prêts accordés par les banques chinoises depuis le début de l'année atteint d'ores et déjà la somme de 1 000 milliards de dollars.
Autre raison : la hausse des prix à l'importation. La devise chinoise, encore arrimée de fait sur un dollar de plus en plus faible, a perdu de la valeur en taux de change effectif, ce qui amplifie le renchérissement des produits alimentaires et de l'énergie, déjà orientés à la hausse. Et comme le yuan est meilleur marché, les exportations chinoises sont encore plus attractives pour les étrangers. Le secteur manufacturier va donc repartir plein gaz et accroître ainsi les risques de surchauffe.
Il n'est pas trop tard pour agir, et tout d'abord relever les taux d'intérêt de la Banque de Chine. Ils ont déjà été rehaussés de 0,25 point en octobre, mais l'effet a été limité. L'inflation reste bien supérieure au taux de rémunération des dépôts de 2,5 % par an que versent les banques. Dans une économie qui croît de 10 % chaque année, les taux d'intérêt pourraient sans problème être deux fois plus élevés qu'ils ne le sont actuellement.
La réévaluation de la monnaie chinoise s'impose également comme une nécessité afin d'alléger le coût ressenti des importations et de brider les filières d'exportation. La valeur relative du yuan par rapport au dollar n'a jamais progressé que de 3 % en deux ans. Une hausse supplémentaire de 3 % d'ici à la fin de l'année le porterait à un niveau plus convenable.
Pour l'heure, Pékin a soigneusement évité de prendre l'une ou l'autre de ces options, à juste titre. Des taux d'intérêt élevés attirent toujours les spéculateurs, et un yuan plus fort coûterait certainement des emplois dans les secteurs exportateurs. Mais le dérapage des prix est un ennemi bien plus réel et bien plus menaçant pour les économies instables socialement. Le problème reste entier. Et plus les dirigeants attendront pour traiter le mal, plus il fera de dégâts.
John Foley
(Traduction de Christine Lahuec)
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